31 janvier 2019

L'actualité sous le filtre de ma (presque) mauvaise foi. 31 janvier 2019

Bandeau : Caracas aux deux visages ... quartiers urbanisés modernes face au plus grand bidonville du pays.
 
Dans ce monde en perpétuelle évolution, qui manque un peu d'air pour faire vraiment révolution, on est un peu trop maltraités pour donner un avis sur tout ce qui se passe, pour avoir une opinion éclairée qui pourrait aider à comprendre les trucs qui déconnent le plus et ceux qui peuvent rendre la vie des gens plus simple et plus heureuse.

On a du mal. Mais on sent bien quelques pistes, des idées qui reviennent plus que les autres.

D'abord on voudrait bien que ça parte pas dans tous les sens à la vitesse d'une balle de défense ... et ça c'est un truc qui pose problème. Il y a des crétins qui en usent et en abusent, ou plus précisément des connards qui imposent à des crétins d'en utiliser à tire larigot et ça fait des dégâts pas possibles, pas acceptables dans un cadre comme la France du vingt-et-unième siècle. On sait par expérience que les méthodes qui consistent à tabasser lourdement les gens sans justification sérieuse, au point de mutiler, ça donne toujours des envies de hausser le ton.

Jérôme Rodrigues, figure des gilets jaunes, n'est pas le premier à avoir eu un gros problème à la suite d'un tir de LBD, il est assez probablement la personne de trop. C'est vrai que ça ne rend pas la chose moins grave pour d'autres blessés avec ces engins de burnes, mais c'est ainsi, il est bien plus visible médiatiquement que des victimes moins audibles. Signe des temps.

Castaner et Nuñez vont avoir des complications dans l'exercice de leurs fonctions, maintenant qu'il est confirmé qu'un planton a fait usage de son LBD au moment où Jérôme Rodrigues a été touché, selon ses propres dires, par une balle de défense.

Et comme ils sont arrivés en cours de route pour prendre un main un gros merdier que Gérard Collomb n'avait plus envie de gérer pour le bon plaisir du prince ringard, ils finiront par entendre Macron exprimer son agacement d'avoir des brêles pour s'occuper de la vaisselle.

Trois conneries invectivantes crachées à la figure des français plus tard, ce sera au tour de Macron de se faire traiter de buse par sa femme ... il paraît qu'elle lui passe encore des soignées, plus discrètes depuis que le couple assurant la régence à compris que l'épaisseur des murs à l’Élysée ne permettait pas les noms d'oiseaux en aparté furtifs et sans témoins.

Ces derniers jours rien ne permet de montrer que l'opération grand débat est une réussite, malgré les efforts désespérés de dirigeants et des médias pour tenter de convaincre que l'audience du peuple accordée par Son Emanation allait ouvrir un long fleuve tranquille au troupeau des marchiaques.

Des débats il y en a, des gens qui s’intéressent à cette plateforme sur laquelle on peut donner son avis sur ce qu'on veut, mais il n'y a pas une once de confiance pour la plupart des français envers le couple exécutif Macron-Philippe pour redresser une situation qui s'enlise dans la grogne et les récriminations.

Comme nous sommes entrés dans une période pré-électorale, pour les européennes, il est probable que les choses ne s'arrangeront pas jusqu'à la délivrance que produira un scrutin ... dont l'issue paraît très embrouillée. L'espoir d'un "plébiscite" pour l'équipée de tordus de chez LREM part nettement en sucette, mais il ne faut pas en déduire qu'il y aura un camp ou un autre qui en sortirait grand gagnant au point de prendre la main sur le jeu politique en France, et en Europe. Tout ce qui en sortira est plus certainement un parlement européen moins bien investit d'une présence française avec 79 sièges.

Mais d'ici l'échéance électorale, il y a du temps à occuper, et il n'est pas évident que ça se fasse en piquant des canevas devant la télé.

Vu de l'intérieur, on a que l'impression de voir des gens un peu agités qui manifestent plus que bruyamment tous les samedis. Vu de l'extérieur, le tableau est décrit un peu différemment. Les esprits les plus circonspects commencent à comparer Macron à Poutine, en expliquant que même Poutine n'est pas aussi sourdingue aux exigences populaires.

En réalité, vu le nombre de blessés, sans oublier quelques décès et contrairement à ce que disent Macron ou Philippe, il y a au moins un décès imputable aux forces de l'ordre dans le cadre des manifestations récentes, à Marseille, et compte tenu de la mobilisation sans précédent de l'appareil judiciaire pour tenter de rendre la vie des manifestants moins agréable, encore quelques jours et les gens qui encensaient l'avènement de Son Excellence le roi des gaz sous la pyramide, dans les revues spécialisées en finances et prières ultralibérales, vont finir par demander à Erdogan d'organiser une médiation pour ne pas transformer la France en scène de pugilat globalisé.

Macron ferait peur aux analystes financiers depuis quelques temps ? Possible, en tout cas certains parlent de lui avec beaucoup moins de mots choisis qu'avant, ou pas choisis dans les mêmes dictionnaires.

Heureusement qu'on a l'acide Doudou de Normandie, en la personne du premier ministre, qui s'occupe des affaires courantes. Il défend son bilan sur les 80 km/h, en affirmant chiffres à l'appui que ça a déjà sauvé plus de 100 personnes, en comparant des statistiques pas très résistantes à l'analyse, mais ... bon on a eu un peu moins de morts sur les routes sur une période comparée à une autre, tant mieux. Ce n'est ni en raison des 80 km/h, ni grâce à ce charmant et sinistre chef du gouvernement.

Ce ne sont pas les radars routiers en tout cas qui pourront dire le contraire, le taux d'équipements opérationnels sur le parc existant est certains jours à 20%, principalement en raison des dégradations provoquées par des gens qui aiment les routes départementales et pas les tiroirs caisses arbitraires.

Ce qui est remarquable dans le couple Macron-Philippe, c'est que la culotte a changé de personne. On a eu une longue séquence pendant laquelle Macron était le comique troupier qui foutait pas grand chose de concret et qui invectivait les gens, et dans le même temps Philippe faisait la politique, il était partout, efficace, mais discret.

On a eu le grand basculement entre mai et juillet, où Macron a repris la vedette, principalement sur fond de Benalla, Philippe s'est retrouvé marginalisé, sans culotte, Macron lui a piqué un leadership certain.

Bon, c'est vrai que le changement est radical, depuis que Macron s'occupe de tout, c'est le bordel 2.0, réalité augmentée, les violences à tous les étages, une chienlit pas possible. Mais ça ... faut savoir pour qui on vote hein ! Moi j'ai pas fauté. Mais j'avais prévenu. Avec Macron, vous l'aurez dans le fion ... ben là il y est. Et ça me ferait mal au derche que ce soit le mien.

En fait, Macron, c'est le gars qu'il est tellement doué et efficace, que tu te demandes comment on ferait si on l'avait pas ! Et le pire, c'est qu'on a la réponse : on s'en porterait mieux. Même si on a été habitués depuis pas mal de temps à récupérer des breloques, faut pas croire qu'on saurait pas faire tourner les affaires sans des épouvantails à moineaux de cet acabit.

Tiens, ça renvoie à Hollande. L'homme promis-dentiel qui voulait faire casquer les banques en 2012 et qui a réussi à faire tout le contraire de ce qu'il avait promis. Hollande, l'homme qui fut très attristé paraît-il qu'on put contredire la politique de casse sociale qu'il a initiée pendant qu'il avait Macron à ses côtés en apprentissage.

Même Olivier Faure, le "patron" du PS, enfin le conservateur, on dit ça pour des vestiges ? ... même Olivier Faure d'un coup s'aperçoit qu'il faut faire l'inventaire du mandat Hollande qui a été le plus pourri avant Macron. Bon Olivier Faure a surpris pas mal de gens avec une sortie pareille, il avait habitué la foule à une certaine inertie de pensée jusque-là. Mais peut-être a t-il compris qu'il fallait égratigner ses pairs pour exister ?

Faut espérer par contre, parce que ça arrivera un jour quoi qu'il en soit, que lorsque Macron débarrassera le plancher on mettra pas deux heures à faire un bilan : nul, lamentable, désastreux, le roi de la balle, de défense, il vaut pas tripette.

C'est que toute cette équipée de branques a quand même raté un peu son éducation. Avec Griveaux comme porte parole, on a l'essence, détaxée celle-ci, et la quintessence du bouffon de service. Griveaux, en interview chez Nicolas Demorand, un de ses anciens prof à Ipesup au passage, le 15 novembre 2018, citait "pays réel" et "pays légal", en attribuant le concept à l'historien résistant Marc Bloch. Bravo Ben, c'est en fait du Maurras, "intellectuel" nationaliste et antisémite. A force de vouloir se cultiver le petit Benjamin de l'équipe nous montre combien les serre-veaux sont lents au sommet de la cordée.

Pas étonnant avec des numéros comme ça qu'on soit conduits dans les décors. Des clients de ce niveau seraient capables de rentrer bredouille après une journée de chasse chez le boucher du quartier. Griveaux : promis à un bel avenir, et qui veut déjà quitter le gouvernement en s'imaginant récupérer un mandat plus stable à la mairie de Paris. Paris devient un terrain de recyclage pour talents écornés.

Darmanin lui pense sérieusement à la mairie de Tourcoing, moins ambitieux, mais il sent que ministre ça commence à puer pour lui. Si jeune et déjà affublé de quelques casseroles et embrouilles sur le plan comportemental, il nous manquera, si il disparaît des radars. Cet ancien LR converti à LREM est un joyeux luron, c'est lui qui se plaint des additions à 200 balles dans les restaurants parisiens par exemple. Un sacré pied-nickelé quand même.

On est en plein épisode hivernal, heureusement qu'il y a des comiques dans la bande. Le gratin de nouilles ou les courges farcies c'est de saison. Et il en faut des humoristes en hiver. Pas sûr pourtant que tout le monde puisse se réjouir des limites têtales de nos gouvernants.

On en parle pas, ou tellement peu, mais cette année, comme toutes les autres, il y a des gens qui dorment sans toit, sans toi, sans moi, sans fin de mois, même difficile, et c'est toujours pareil, la République s'en fiche en fait.

Le feuilleton Ghosn, lui non plus dort pas sous son toit, est bien plus prometteur pour les médias. Ca c'est vendeur au moins. Il y a le fric, le pouvoir, la triche, enfin tout ce qui peut permettre d'intéresser les gens.

Carlos Ghosn commence à trouver des possibilités de s'exprimer et l'une de ses envies à court terme, à part qu'on le laisse rentrer chez lui puisqu'il est toujours en zonzon chez les tokyoïtes, ce serait qu'on reconnaisse qu'il est victime d'un coup monté pour lui nuire. Des gens dans les hautes sphères de Nissan voulaient sa peau, et il ne serait pas le méchant coupable que la justice japonaise voudrait nous faire croire.

Ce doit être un peu vrai en fait. Il est victime d'un règlement de compte, d'une de ces manips que se font les premiers de cordée entre eux. C'est comme les dealers de dope qui se chamaillent, des fois au fusil mitrailleur, mais c'est des chamailleries.

Et donc Carlos Ghosn qui était un patron, certes efficace, mais odieux avec à peu près tout le monde, aurait eu maille à partir avec des collègues jaloux ... oui. Possible. Par contre ça nous intéresse quand même de savoir en détail toutes les sommes d'argent, importantes, qu'il s'est attribué, ou dont il a fait profiter des proches sur le dos des employés de Renault-Nissan-Mitsubishi. Parce que là on a bien compris que outre son salaire très grassouillet et ses stock-options replètes, il arrivait à bénéficier, directement ou indirectement, de petits accessoires dont le montant total dépasse largement la dizaine de millions d'euros ... excusez du peu. En yens ça fait beaucoup plus, et ça a aussi pu énerver les japonais.

Allez, on souhaite à cet impoli Ghosn de pouvoir rentrer chez lui un jour, on ne rêve même pas qu'il puisse rembourser le prix de son égo surdimensionné et de ses prétentions cupides. Ça ne changerait sans doute pas, d'ailleurs, le sort des salariés qui n'ont pas qu'un bon souvenir de ce patron autoritaire et ombrageux.

L'activité politique et économique internationale, c'est aussi réjouissant que les bons maux de Macron-Griveaux-Darmanin- et compagnie.

On a la situation vénézuélienne qui bat son plein de bordel. Maduro a du mal à se maintenir au pouvoir, vu qu'il a un concurrent déloyal qui veut le voir partir, et pour l'instant c'est compliqué.

Juan Guaido, président de l'Assemblée Nationale, s'est autoproclamé chef de l’État avec une reconnaissance appuyée d'une partie de la communauté internationale, Nicolas Maduro est autoproclamé par la même communauté internationale sauf Mélenchon comme plus ou moins illégitime, et imbécile de premier ordre, et le pays le plus riche au monde en réserves pétrolières, 20% mieux servi que l'Arabie Saoudite, est dans une merde incroyable.

Tout n'est pas imputable aux vénézuéliens, il y a bien entendu des rapaces venus de Nothing Gulch pour tenter de dépecer la charogne. Tant de pétrole qui pourrait échapper aux assoiffés de pognon, principalement des américains, c'est insupportable. Mais si Maduro avait été un peu moins bête, il n'en serait pas là, aujourd'hui on ne peut que constater que ses jours au pouvoir sont comptés. Il laisse quand même derrière lui un pays dans un tel désordre qu'on doit remonter à des cas comme l'Allemagne des années 1920 pour trouver des choses comparables sur le plan social et économique.

Oui, je sais, Nothing Gulch, c'est pas le meilleur choix par rapport au pétrole du Venezuela. Mais la devise de Nothing Gulch c'est quand même "Nous avons des plumes, nous avons du goudron, et nous aimons nous amuser" (Emprunt à Morris et Lucky Luke)

Et puis il y a les américains d'un côté, et les russes de l'autre ... eh oui. On n'y peut rien nous, nos grands frères sont comme ça, ils aiment bien se filer des gnons par personnes interposées. Côté Russie, on prend le parti, en essayant de ne pas faire de bruit, pour Maduro.

Plus près de nous, saigneurs, il y a Mathilda May, qu'on commence à prendre en pitié. Mais qu'est-elle allée faire sur cette galère ? Le Brexit, c'est un peu comme le sparadrap du capitaine Haddock, ça veut pas décoller. Et donc elle ne parvient pas à faire avancer les choses, pas de plan, pas d'accord, pas de validation par le parlement britannique ... des évocations de nouveau référendum, une communauté européenne qui est aujourd'hui peu décidée à reconsidérer les choses dans l'hypothèse où la Grande-Bretagne demanderait à rester dans l'Union, sans y être vraiment ... enfin un bordel de plus à gérer.

La seule chose qu'on peut retenir de tout ça, c'est que si il existe un bras de mer entre le continent et l'Angleterre, c'est sans doute pas pour des prunes.

On verra dans cette revue de presse quelques détails croustillants sur la grandeur d'âme et la profondeur du jugement, sur l'épaisseur de la pensée des glands de ce monde, enfin j'ai fait une sélection triée sur le violet. Mais c'est instructif de voir comment la Terre tourne et que pendant ce temps-là de nombreux couillons voudraient faire marche arrière.

Et puis tout ça, ça relativise les carences intellectuelles de nos acteurs préférés dans la série "qui veut passer pour un con". Ça nous occupe, les jeux du cirque, et ça devrait permettre de nous éviter de jouer aux gendarmes et aux voleurs sur les avenues des grandes villes.

C'est vrai après tout, on a le spectacle en direct du Monde, alors pourquoi manifester ? Pour demander quoi ? Qu'on nous permette de vivre dignement ? N'importe quoi.

Nous aurons désormais, en France, en 2019, une loi anticasseur digne de l'époque bénie où les institutions prenaient l'eau à Vichy, bénie façon Benito, et les préfets seront chargés de dire qui peut manifester, quand et où.

Avant il était prévu dans les droits fondamentaux de pouvoir manifester, de pouvoir exprimer publiquement des revendications, sous réserve de faire une déclaration de rassemblement, dans laquelle on indiquait qui étaient les responsables de la manifestation, chargés de son organisation, et quel était le parcours du cortège.

Désormais, si un préfet estime qu'il a d'autres chats à fouetter, il pourra dire qu'une manifestation ne peut pas avoir lieu. Point !

Ou alors, il sera accordé des droits à manifestation selon des critères qui seront considérés comme plus appropriés. Ainsi on pourra peut-être se voir accordé le droit à manifestation entre la cuisine et le salon dans un rassemblement ne dépassant pas trois personnes, et à condition de bien regarder les infos du JT avec les dernières agapes d'Yslapeth en déplacement d'Etat chez Paillou. Paillou c'est la mascotte de Courtepaille.

Il paraît que l'illuminé d'Amiens, le toupet du Touquet, adore la côte de bœuf. Et ça c'est révélateur. Parce que les démarrages en côte c'est quand même un truc qui fait toujours autant d'effet pour les jeunes qui apprennent à conduire.

Paillou, c'est lui qui vous souhaite bon anniversaire quand vous allez manger le jour ad hoc, avec le personnel joyeux qui vient vous apporter votre petit dessert surmonté d'une baguette d'artifice qui projette ses étoiles toutes dorées. Il y a de beaux métiers en France quand même.

Faudra vérifier les photos de presse de Macron chez Paillou pour voir si il a droit à la chaise haute et au bavoir quand même. Ce serait intéressant à noter pour la postérité.

Aller, bonne lecture, on s'appelle et on se fait une bouffe. Mieux ça que d'en prendre une, de bouffe, dans une distribution collective offerte par des factionnaires un peu zélés et pas trop z'ailés.



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L'Obs (31/1/2019) : "Des milliers de SDF, isolés ou en famille, sont en danger"
Selon les associations, les mesures du plan hiver sont "insuffisantes". Tous les jours, des centaines de personnes restent à la rue par manque de places d'hébergement.

Malgré les 5.907 places d'hébergement supplémentaires,
dont 2.938 à Paris, ouvertes par l'Etat depuis
le 1er novembre dans le cadre de la période
hivernale, des personnes se trouvent encore
à la rue. (KENZO TRIBOUILLARD/AFP)
"Des milliers de personnes sans-abri, isolées ou en famille, sont en danger, faute d'hébergement disponible", a alerté mardi 29 janvier la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).

A Paris, 400 personnes, majoritairement des familles, tentent en vain en journée et la nuit d'obtenir une place d'hébergement via le 115 (numéro d'urgence), selon la FAS, qui regroupe 800 associations gérant 80% des centres d'hébergement. En Seine-Saint-Denis, entre 200 et 300 personnes restent chaque jour à la rue.

Mardi, la préfecture d'Ile-de-France a annoncé l'ouverture dans ses locaux d'une halte de nuit ouverte de 19 heures à 8 heures, alors que la tempête Gabriel arrivait par l'ouest de la France. Une trentaine de femmes, orientées par le 115, devaient ainsi être accueillies au sein des locaux de la préfecture située dans le 15e arrondissement de Paris.

"L'Etat a ouvert au cours des derniers jours 573 places Grand Froid en Ile-de-France. Au total ce sont 5.906 places supplémentaires ouvertes depuis le 1er novembre, dont 2.938 à Paris, dans le cadre de la période hivernale", précise la préfecture dans un communiqué.

"Bien que cet effort soit sans précédent, des personnes se trouvent encore à la rue. Je souhaitais donc poursuivre l'engagement de l'État en ouvrant une halte de nuit pour femmes au sein du Ponant dès ce mercredi soir", a déclaré le préfet de Paris Michel Cadot.

Le 115 débordé

Ailleurs, "la situation est également très tendue dans d'autres grandes métropoles où les équipes du 115 sont débordées et n'ont pas de solution à proposer aux personnes", s'alarme la FAS.

"A Toulouse, 221 personnes, dont 188 en famille, dorment quotidiennement à la rue. A Lyon, fin décembre, 600 personnes isolées à la rue étaient repérées par le Samu social en attente d'une protection. A Lille, depuis le 1er janvier, 1.533 personnes ont reçu une réponse négative à leur demande d'hébergement. A Nantes, depuis la mi-janvier, ce sont 971 personnes qui n'ont pas obtenu d'hébergement", détaille la FAS, qui met également en garde contre un "épuisement des travailleurs sociaux".

Selon les associations, les mesures proposées par l'Etat dans le cadre du plan hiver sont "insuffisantes". En octobre, le ministre du Logement Julien Denormandie avait annoncé 14.000 places d'hébergement hivernales mobilisables et un renforcement des maraudes.

"Face à la crise, la Fédération demande aux pouvoirs publics, Etat et collectivités locales, de mobiliser sans attendre tous les bâtiments disponibles, en lien avec les associations, pour proposer une mise à l'abri et un accompagnement à toutes les personnes qui sollicitent une protection", réclame la FAS.

La fédération demande également la création de places d'hébergement pérennes, notamment pour les familles, ainsi que la création de logements très sociaux à destination des ménages les plus précaires.

Si on reprend les infos d'il y a un, deux, trois, ... ans ... rien de nouveau, c'est à peu près comme si on pissait dans un violon, à un détail près, c'est que depuis quelques mois, depuis l'avènement de bistouquet tiens ... on fait rien pour les sans logis, mais on leut pète leur matériel de campagne en plus. Juste histoire de dire que les choses changent quand même.

Le Monde diplomatique (28/1/2019) : Il est allé trop loin, il doit partir

Frédéric Lordon
William Blake. — « Nebuchadnezzar » (Nabuchodonosor),
gravure de 1795.
La vidéo tournée d’un immeuble en hauteur plonge sur une cour de récréation du 19e arrondissement d’où monte un grand cri scandé : « Macron démission ! Macron démission ! ». Ce pouvoir est devenu l’objet du lazzi des enfants. Normalement un régime qui en est là ne connaît plus qu’une forme ou une autre de sursis.

On ne spéculera pas plus que ça sur le sens politique des petits. Davantage sur le degré auquel le pays est imprégné de la détestation du monarque pour que les mioches en aient capté quelque chose. En tout cas, les petites éponges de cour de récré ne se trompent pas : il est haï. Et pour des raisons écrasantes, incontestables, dont la gravité ne cesse d’ailleurs de croître. Dans la série graduée des actes par lesquels un souverain en vient à perdre sa légitimité, le point maximal est atteint quand il prend le parti de constituer sa population en ennemie, et par conséquent de lui faire la guerre. Nous en sommes là, littéralement. Déployer des blindés en ville, équiper les forces de police de fusils à pompe, et même de fusils d’assaut, infliger aux manifestants des blessures… de guerre, c’est bien être en guerre. Du reste, s’il en est à prévoir des plans d’exfiltration des ministres et à prépositionner un hélicoptère pour évacuer l’occupant de l’Élysée, c’est que ce régime lui-même ne s’illusionne pas tout à fait quant à la réalité de ses rapports avec « sa » population.

En vérité, ce pouvoir est symboliquement à terre. Il a franchi un à un tous les seuils du discrédit, et puis ceux du scandale. Il ne lui reste plus que la force armée pour contenir la contestation. Et, pour tenir le reste, celle des répétiteurs médiatiques qui s’acharneront jusqu’au bout à soutenir qu’élu régulièrement, haut la main ajouteront même les plus bêtes ou les plus oublieux des conditions réelles de son élection, il est entièrement « légitime ». Nous apprenons donc de leurs bouches autorisées qu’un dirigeant, pour peu qu’il ait satisfait à une comédie électorale entièrement truquée, peut parfaitement mutiler ses opposants, envisager de leur faire tirer dessus au fusil d’assaut — une image que, pour tout leur récent bon vouloir, les médias n’ont pas encore trouvé le temps de montrer —, s’engager dans des voies juridiques proto-totalitaires, sans que sa « légitimité » soit le moins du monde remise en question.

Malheureusement, ces verdicts de légitimité ne valent pas mieux que la légitimité de ces véridicteurs. Or, de ce côté non plus la situation n’est pas fameuse. On n’en finit pas, par exemple, de contempler les étonnants renversements qui conduisent l’éditocratie à trouver horrifiant ici ce qu’elle trouvait admirable là, et réciproquement. « Qu’ils dégagent ! » en Tunisie : magnifique ; « Macron démission ! » : foule haineuse. Place Tahrir : printemps arabe ; Place de l’Étoile : hordes de casseurs. Crémation des statues de Chávez : peuple en lutte ; parodie de guillotine pour Macron : extrémistes violents. Police poutinienne : dictature ; police macronienne : ordre républicain.

À ce sujet, précisément, Bloomberg, organe bien connu pour ses sympathies révolutionnaires, titre ceci : « La réponse de Macron aux “gilets jaunes” fait paraître Poutine modéré en comparaison (1) ». On voit d’ici le tableau sauter dans les têtes de Laurent Joffrin ou Jérôme Fenoglio, les soudures qui se défont, les écoulements de matière cérébrale par les oreilles : comment se peut-il ? Poutine, pourtant le nom propre de la tyrannie ? Macron pire ? C’est impossible. Logiquement, pas un média français n’en parlera. Ordinairement très préoccupés du prestige international de la France, des regrettables dommages que peuvent lui causer d’irresponsables mouvements de grève de fonctionnaires, pas un n’a rapporté la stupéfaction de la presse anglo-saxonne qui observe, médusée, le devenir néofasciste du macronisme. Ni, symétriquement, le fait que le gilet jaune est devenu une sorte de symbole international, adopté par tous ceux qui sont en lutte, où l’on pourrait trouver de quoi nourrir une certaine fierté — question de point de vue, sans doute.

Voilà en tout cas où en sont encore les diseurs de légitimité. Obstinés à maintenir qu’un pouvoir en guerre contre sa population n’en est pas moins tout démocratique. Car c’est là le propre de l’inconséquence médiatique qui, après avoir occulté les violences policières pendant deux mois, se met d’un coup à en parler, d’ailleurs plus sous l’effet de l’emballement mimétique que d’un quelconque retour de conscience, mais pour n’en tirer aucune conclusion substantielle. La « démocratie » fait la guerre au-dedans, elle s’apprête, sous les approbations de l’extrême droite, à passer une loi de musèlement de toute forme de contestation, mais ça ne pose pas le moindre problème de principe. Si bien qu’on peut continuer d’en appeler au « Grand débat » au nom de « la démocratie » même, comme de juste. Pendant que, samedi après samedi, les hôpitaux se remplissent. Et que les tribunaux débordent.

Il s’agit donc maintenant de faire savoir à ce pouvoir qu’il est trop tard, beaucoup trop tard. En fait même, que c’est fini. Pour cette raison toute simple qu’on ne parle pas avec des institutions qui, après avoir fait pendant trois décennies la démonstration constante de leur absolue surdité, sont désormais de fait passées au stade militaire (grenades au TNT, blindés, fusils d’assaut : stade militaire). Et dont on ne voit pas par quel soudain accès de sincérité, elles se seraient miraculeusement converties à « l’écoute ».

On pense au misérable QCM gouvernemental, à ses lignes déjà toutes tracées (« Baisser le taux d’impôt sur les sociétés à 25% », « Rendre la fiscalité du capital comparable à celle des autres pays européens pour stimuler l’investissement, y compris en supprimant l’ISF »), à sa manière toute particulière de poser les questions (« Identifier le type de dépenses publiques à baisser », « Faut-il supprimer certains services publics ? »), bref à cette parfaite ouverture du débat ouvert (2). On pense aussi à ce qu’écrit Éric Vuillard dans sa Guerre des pauvres (il s’agit de la révolte paysanne emmenée par Thomas Müntzer dans l’Allemagne du XVIe siècle) : « C’est alors que le duc Albert de Mansfeld entama des négociations. Il fallait que ça traîne en longueur, afin de démoraliser l’adversaire et de gagner du temps. La négociation est une technique de combat (3) ». Et il faudrait aller « dialoguer » dans ces conditions ?

Pour l’éditorialiste du Monde, la réponse ne fait pas de doute. « L’ultraviolence » de ceux qui veulent « attaquer la République (…), voire renverser le gouvernement (…) est la négation de la tolérance et du débat (…), [l’]ennemie de la démocratie ». Ici la revue de détail est complète : il ne manque pas un recouvrement, pas une escroquerie nominale, pas une fausse position de problème — tout n’est-il pas d’ailleurs joué quand le texte s’intitule « Gilets jaunes : la violence ou le débat » ? Il est vrai qu’il date énormément, du 7 janvier, une éternité, une époque en tout cas où Le Monde ne s’était pas encore aperçu qu’il y avait des violences policières. Ni ne savait comment on organise les « Grands débats ». Au demeurant, maintenant il le sait et, visiblement, ça ne change pas grand-chose à sa manière de concevoir « la tolérance et le débat » — on aura même sous peu l’occasion de mesurer quel degré de pantomime Le Monde est capable d’endosser pour maintenir la fiction de la démocratie (élevé, pressent-on).

En tout cas, nous savons que, dans une tête d’éditorialiste du Monde, la politique ne connaît qu’un état possible : « le débat », à part bien sûr son opposé maléfique : « la violence ». Qu’on doive débattre, soit pour trancher des différences de troisième ordre au milieu des questions écrites par le gouvernement, soit à la rencontre des LBD, ça n’ôte rien, aux yeux du Monde, de sa qualité de débat au « débat ». La « démocratie » a les défenseurs qui lui correspondent exactement.

Hormis la philosophie d’éditorialiste et les scénographies présidentielles aimablement relayées par les chaînes d’information en continu, ça n’est pourtant pas ainsi que les « gilets jaunes » l’entendent. Assez logiquement, les institutions présentes, et celui qui en incarne les tares au plus haut point, récupèrent aujourd’hui la fin de non-recevoir appelées par leurs propres fins de non-recevoir administrées pendant trente ans. On peut autant qu’on veut ripoliner de « démocratie » des institutions sous prétexte qu’elles pratiquent l’élection, et de temps en temps la parlote, sans que cela suffise à en faire des institutions démocratiques.

En fait, les institutions de la surdité organisée finissent toujours par recueillir l’émeute, et c’est dans l’ordre des choses. Un certain philosophe écrit ceci dans un de ses traités politiques : « Les séditions, les guerres, le mépris ou la violation des lois doivent être imputées, c’est certain, non tant à la méchanceté des sujets qu’au régime vicieux de l’État (4) ». Et telle est bien, à l’os, la seule conclusion valide à tirer des événements actuels : ils ont pour cause que le régime de l’État est vicieux.

Parfois aussi, c’est sous la forme la plus innocente que se laisse découvrir la vérité : un syndicaliste policier, invité de l’émission d’Arrêt sur images (5), exprime avec une désarmante candeur son désarroi : « Les manifestants ne jouent plus le jeu ». C’est tellement complet, tellement profond, que c’en est vertigineux. En un mot, tout est dévoilé. La pantomime démocratique-sociale, c’était un jeu. Vous faites semblant de demander, nous faisons semblant d’écouter — n’oubliez pas de vous munir de vos merguez, et soyez rentrés pour 18 heures. Incidemment, le syndicaliste policier nous apprend que dans la liste des morts en puissance, on pourrait bien compter, non seulement Macron, les institutions de la Ve République, la presse, mais aussi les confédérations syndicales (au désespoir de leurs bases, souvent admirables) : mortes d’inutilité, pour n’avoir fait trop longtemps que « jouer ». Car voilà la chose enfin dite : Bastille-Nation, c’était un jeu.

Comment s’étonner que, la nullité des médiateurs visible de tous, le jeu de la « médiation » n’ait plus la cote ? Depuis 1995, aucune action revendicative dans la forme réglée de la manifestation n’a rien obtenu — c’est bien plus probablement la part « débordante » du mouvement anti-CPE qui lui a valu son succès. Mobilisation après mobilisation, on a vu monter le « seuil d’écoute » du pouvoir : un million de manifestants, puis un et demi, puis deux, en-dessous de quoi : rien (en fait, au-dessus de quoi, rien non plus). Ce que pour le coup on peut appeler le « minimum syndical » n’a jamais cessé d’être rehaussé. Et les syndicats, qui aiment tant le jeu qu’ils sont prêts à le jouer à n’importe quelle condition, de ramer pour mettre toujours plus de monde dans la rue pour toujours moins de résultat. Une syndicaliste dépitée du SNES admet elle-même : « Depuis la réforme des retraites en 2003, les gens ont intériorisé l’idée que la grève ne servait à rien pour se faire entendre » (6). En effet, dans ces institutions-là, rien ne sert plus à rien pour se faire entendre. Alors, voyons : que reste-t-il pour se faire entendre quand il n’est plus possible de se faire entendre ? — à part la voie des « gilets jaunes ».

De là le policier un peu stupéfait, et ses manifestants qui « ne jouent plus le jeu ». C’est exact : les « gilets jaunes » n’ont plus envie de jouer. Ils ne jouent plus le jeu, pour avoir tout simplement compris cette vérité tautologique que, dans le monde de la surdité institutionnalisée, on ne parle jamais qu’à des murs. Voilà très exactement ce que signifie que « le régime de l’État est vicieux » : délibérément fermé à tout, il ne laisse d’autre alternative que de le souffrir tel quel ou de le renverser. Souffrir : depuis, trente ans, c’est assez. Donc le renverser.

Au stade où nous en sommes, d’ailleurs, il n’est plus seulement question de la surdité des institutions, mais aussi de l’infamie des personnes, qui fait du renversement presque une exigence sanitaire. On dit qu’on connait quelqu’un à ceux dont il fait ses proches. Castaner, Griveaux, Benalla. Benalla, nous commençons à être fixés. Griveaux, on a bien avancé également (7). Non, là c’est Castaner qui fait une percée. « Aucun policier n’a attaqué de “gilets jaunes” », c’était déjà une sorte d’exploit. Ici on se demande : que peut-il se passer dans une tête comme celle de Castaner pour oser ceci quand (normalement) il doit savoir que les réseaux sociaux sont submergés des preuves de son obscénité ? Mais on connait que quelqu’un a atteint le dernier degré de l’ignominie quand ses efforts pour tenter de s’en tirer l’y enfoncent encore davantage : quelques jours après, réflexion faite, « il y a eu des atteintes graves à la vision ». Même France Info, la honte du journalisme, n’osera pas reprendre tels quels les éléments de langage du ministre — il faudra bien parler d’yeux crevés.

On notera que, comme Griveaux, Castaner vient du Parti socialiste. Et c’est comme une sorte de destin historique de la social-démocratie, ou d’une certaine « gauche républicaine », de se rouler dans la honte, depuis Thiers jusqu’à Collomb, en passant par Ebert. Et maintenant Castaner. « On parle de perte d’œil, je préfère ne pas reprendre ce terme-là ». Qu’est-il possible, même à froid, de penser d’un individu comme Castaner ? Qui peut encore lui accorder le moindre respect, à lui, mais aussi à celui qu’il sert, et aux institutions qui maintiennent de tels personnages ?

Yaël Pivet-Braun, la présidente LREM de la commission des lois déclare sur RFI qu’elle « ne croi(t) pas qu’il y ait eu d’abus des forces de l’ordre (8) ». Comment des députés LREM peuvent-ils s’étonner de retrouver murées leurs résidences ou peinturlurées leurs permanences ? Par exemple : vous aviez deux mains, une est arrachée par une grenade qui est une arme de guerre. Là-dessus, vous vous entendez dire qu’il n’y a pas eu d’abus des forces de l’ordre, et même, de TF1, qu’il n’y a aucun blessé grave. Puis Macron ment outrageusement. « Vous êtes le seul pays qui utilise des grenades contre sa population » l’interpellent des étudiants à l’université de Louvain — « Alors là, vous dites n’importe quoi ». Qui niera qu’il y a de quoi avoir des envies de parpaings et de truelle ? — même à une seule main. Et si c’est plutôt votre œil qui a fini dans une poubelle d’hôpital, Castaner préfère ne pas utiliser ce terme-là. On y réfléchit posément, et on se demande : qu’est-ce qu’on peut faire avec ces gens-là ? Y a-t-il quoi que ce soit d’autre à faire que de les chasser ? Peut-être même faudrait-il s’aviser de le faire sans tarder, avant qu’ils n’aient achevé de refermer sur nous un État policier forteresse.

Élu avec un soutien réel d’à peine 10,5 % du corps électoral (9), tenu, par les conditions mêmes du second tour, de se séparer d’une partie de son programme, foulant au pied cet élémentaire devoir moral, portant et la violence sociale et le scandale de l’enrichissement des riches à un point inouï, recevant pour ces textes les plus sinistres l’approbation répétée de l’extrême droite à laquelle il était supposé faire barrage, et désormais en guerre plutôt qu’en marche, Macron est allé trop loin, beaucoup trop loin. Il n’a plus aucun titre à faire valoir pour sa légitimité — à part les proclamations obstinées de l’éditorialisme de service.

Le propre des grands événements politiques, c’est qu’ils sont des leçons de choses — ici, comme une physique de la légitimité, et de ses effondrements. À cet égard, Arendt, s’interrogeant sur le paradoxe qui veut que le mot « révolution » vienne de l’astronomie, où il désigne non pas du tout le changement mais le retour circulaire du même, Arendt, donc, signale qu’il emporte aussi l’idée d’une nécessité irrésistible. C’est une révolte, non sire c’est une révolution indique à Louis que cette fois-ci c’est cuit : ça lui vient dessus avec la force de l’inéluctable, il n’y échappera pas. On a sans doute le devoir intellectuel de se méfier de la résonance en histoire, mais on ne peut pas non plus ne pas être sensible à ses avertissements, et parfois à ses charmes.

À l’époque, déjà, Christophe Barbier ne voyait pas ce qu’on pouvait opposer à la légitimité de Louis XVI puisqu’il avait été installé selon les procédures régulières de la succession dynastique — parfaitement légitimes, ainsi, par conséquent, que le produit de leur opération. Ce que ces gens sont à l’évidence incapables de voir, c’est que la légitimité n’est pas une qualité substantielle. Un temps les institutions sont dites légitimes. Et puis un jour on les regarde sous un autre angle, et on se dit qu’en fait elles ne le sont pas. Alors elles tombent, et toujours de la même manière : sous le poids du scandale.

Il s’en suit, pour les personnages de l’époque, qu’ils viennent prendre une certaine place dans l’Histoire — leur place. Celles de Castaner et de Macron sont en train de s’aménager. Macron va rester dans l’Histoire, c’est désormais acquis. Comme Macron-l’éborgneur, ou Macron-la-grenade. Peut-être Macron-l’hélicoptère. Ce serait souhaitable. Car maintenant, il faut qu’il parte.

(1) « Macron’s yellow vest response makes Putin look soft », Bloomberg, 9 janvier 2019.
(2) Le grand débat national, fiche « La fiscalité et les dépenses publiques » (PDF).
(3) Éric Vuillard, La guerre des pauvres, Actes Sud, 2019, p. 53.
(4) Spinoza, Traité politique, V, 2.
(5) « Gilets jaunes : “les bavures policières, c’est l’omerta absolue” », Arrêt sur images, 18 janvier 2019.
(6) « Pourquoi les syndicats peinent à mobiliser les enseignants », Le Monde, 22 janvier 2019. Lire aussi Annabelle Allouch & Benoît Bréville, « Lycéens contre le tri sélectif, Le Monde diplomatique, janvier 2019.
(7) Lire, sur ce blog « Benalla et l’arc d’extrême droite » et « Les forcenés ».
(8) RFI, 23 janvier 2019.
(9) 24,1 % de score de premier tour à la présidentielle, corrigé d’un taux de participation de 79 % et d’un taux de vote utile de 45 %
 
Frédéric Lordon nous expose, avec un grand soin argumentaire, le point de situation sur l'état de la crise. Il voit dans les faits une atmosphère de guerre civile, ce n'est pas tout à fait le principe, mais en tout cas nous sommes bien dans une configuration où tout est orchestré pour mettre face à face les gens et en laissant, de fait, prospérer les violences. A ce point de la méthode Macron, on peut effectivement considérer qu'il a dépassé tous les stades usuels de la gouvernance normale et que n'ayant pas d'alternative ou de marge de négociation, il ne lui reste que la force à opposer à ses détracteurs ou adversaires, sauf à quitter la scène.

On pouvait imaginer des sorties politiques de la crise, début novembre, on ne peut plus s'attendre à des mouvements dans l'exécutif, changement important du gouvernement, dissolution de l'Assemblée, et les solutions du style "grand débat" montrent qu'elles ne permettent pas de modifier l'humeur collective à court terme.

D'un point de crispation à un autre, nous sommes dans une situation explosive, où l'exécutif oppose toutes les ressources attachées normalement à la sécurité pour qu'elles opèrent sur le seul terrain d'un ordre public, pour lequel on veut modifier les conditions d'accès aux manifestations autorisées ... ce qui sous-entend un durcissement probable des prochaines manifestations et des forces de l'ordre qui leur seront opposées. A quel moment tout cela peut-il basculer soit dans une accalmie significative, soit dans un conflit généralisé ?
 

Un milicien pro-russe en Crimée en mars 2014.
© Andrew Lubimov/AP/SIPA
Des mercenaires auraient été envoyés par Moscou au Venezuela pour défendre le régime de Maduro. Derrière ces soldats, Wagner, une entreprise florissante.

Il a fallu qu'il s'y reprenne à deux fois pour démentir. « Bien sûr que non », a-t-il finalement lâché. Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a manifesté un certain embarras lors de son intervention télévisée sur la chaîne fédérale Rossiya 1 pour réfuter l'idée de l'arrivée de 400 mercenaires russes au Venezuela. Une information de Reuters les localise pourtant à Caracas où ils auraient reçu la mission de protéger le président Nicolás Maduro.

Leur employeur ? Wagner, une organisation paramilitaire détenue par Evgueni Prigozhin, 58 ans, un oligarque issu de Saint-Pétersbourg et proche de Vladimir Poutine.

Depuis cinq ans, les hommes de Wagner sillonnent la planète. En 2014, ils participent à l'annexion de la Crimée puis à la déstabilisation du Donbass à l'est de l'Ukraine. L'année suivante, ils débarquent en Syrie pour appuyer les forces du régime. En décembre 2017, ils investissent un territoire situé hors de la zone d'influence de la Russie : la Centrafrique. Cent soixante-dix « instructeurs » y séjournent désormais. On retrouve aussi les supplétifs de Wagner en Libye au sein de la garde rapprochée de Khalifa Haftar, l'homme fort à l'est du pays. Ils stationnent enfin au Soudan pour aider les autorités à mater un mouvement de contestation.

Roi des trolls

Ce n'est pas tout. Leur « boss » Prigozhin tente de nouer des partenariats en République démocratique du Congo, au Mozambique, au Zimbabwe, en Angola, en Guinée-Bissau, à Madagascar. Un travail en eaux troubles assez conforme à son pedigree. En effet, c'est un ancien gangster condamné en 1981 à 9 ans de prison pour vol, fraude et participation à un réseau de prostitution de mineures. L'homme se lance ensuite dans l'alimentaire et ouvre une chaîne de restaurants huppés à Saint-Pétersbourg. En 2001, on le voit servir ses plats à Poutine et à Jacques Chirac, en visite officielle. Un surnom lui est accolé : « chef cuisinier de Poutine ».

Puis c'est l'ascension. Il décroche un contrat d'un milliard de dollars consistant à approvisionner les cantines scolaires et militaires du pays. Son nom sort de l'anonymat au lendemain des élections législatives de 2011. Il fonde alors une agence de « trolls » destinée à inonder les réseaux sociaux de fausses nouvelles et à nuire à la réputation des opposants. Son affaire tourne et réalise bientôt un coup de maître : le parasitage de la campagne présidentielle de la démocrate Hillary Clinton. Une initiative qui vaut à Prigozhin d'être inculpé aux côtés de treize autres ressortissants russes par le procureur spécial américain Robert Mueller.
Intérêts

Pas de quoi intimider l'intéressé dont les activités redoublent avec la création de Wagner. Il confie la direction opérationnelle de son organisation à un agent du GRU, le service des renseignements militaires russes. Son nom ? Dmitri Outkine, décoré par Poutine en 2016, connu pour porter, dit-on, un tatouage de svastika à l'épaule et un casque à cornes lors des combats. C'est lui qui dirige les entraînements de Wagner près de Rostov-sur-le-Don à une cinquantaine de la frontière ukrainienne et planifie les missions à l'extérieur. Parfois au prix d'échecs retentissants. En février 2018, ses hommes décident de prendre d'assaut une raffinerie tenue par les forces kurdes et située dans la province syrienne de Deir ez-Zor. Les représailles sont immédiates. L'aviation américaine bombarde la colonne et tue plus de 200 mercenaires russes.

Prigozhin enrage. Il mobilise en Syrie entre 2 000 et 4 000 hommes payés 2 700 dollars par mois. Il a même conclu avec Damas un contrat lui octroyant 25 % de la production de tout site pétrolier « libéré ». Or, le voilà en déroute sur le théâtre le plus médiatique.

Car, au cœur de la géopolitique, l'oligarque n'oublie jamais ses intérêts commerciaux. C'est le cas au Soudan où il offre ses services en échange de contrats de prospection sur des mines d'or.
« Si M. Prigozhin m'entend au-delà de cette salle, qu'il sache qu'on le connaît bien » (Le Drian)

Même démarche en Centrafrique où ses troupes ont été déployées à proximité de gisements de diamants et d'or. Une intrusion qualifiée d'« antifrançaise » par Paris. « Si M. Prigozhin m'entend au-delà de cette salle, qu'il sache qu'on le connaît bien », souligne même le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian lors d'une audition devant le Sénat fin janvier. Et malheur à ceux qui s'approchent de ses bases. Trois journalistes russes partis enquêter sur Wagner en Centrafrique ont péri dans une embuscade en juillet 2018.

Ses mercenaires dépêchés à la hâte au Venezuela auront cette fois une tâche plus délicate : sauver les milliards de dollars de contrats signés par Nicolás Maduro au profit de Moscou.

Ah ! La guerre n'est plus froide, mais pour celles et ceux qui pensaient qu'elle s'était interrompue, on a de bonnes nouvelles, il y a la guerre un peu partout. Pas seulement chez nous. Ce sont des guerres gentilles, elles font pas tant de blessés, très peu de morts, à part quelques grimpées au rideau par-ci par-là.

Et puis il n'est plus nécessaire de lancer des conscriptions, même ça c'est souvent privatisé. Le libéralisme n'a pas que des mauvais côtés quand même, non ?

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Au café du commerce, il n'y a que les godets pleins qui rapportent sans ficelle

Pour deux francs et pas un saoul ... - Je regarde cette putain de carte avec ses points rouges. Elle a la chtouille. On a beau dire, ...