08 février 2019

L'actualité sous le filtre de ma (presque) mauvaise foi. 8 février 2019

En bandeau : montage montrant un bout de la salle des fêtes de l'Élysée, en version 2019 toute fraîche, une photo de la nouvelle mascotte de la boutique qui a permis, dit-on de payer les travaux de rénovation de la salle des fêtes, 500.000 euros, et sur la droite pour mémoire, une photo d'une mosaïque trouvée à Pompéi et dont une reproduction décorait déjà mon livre de latin au collège. Pompéi est la ville dont les fastes furent d'un coup effacés par l'éruption du Vésuve en l'an 76 .... oui 76 du temps des romains, pas du temps de Giscard, Jérusalem, maudit niaiseux (ça c'est du québecois).

La boutique de l’Élysée propose à la vente un nouvel objet collector, à l'effigie de Nemo, le seul compagnon de Macron à pratiquer le ruissellement pour de vrai. L'effigie est proposée à 99 euros l'exemplaire. Ils ont pas osé le mettre à 100 balles, de toutes manières aujourd'hui  pour 100 balles t'as plus rien.
Le mariage Alstom - Siemens est annulé, quand Monsieur Le Maire a demandé si des personnes opposées à l'union souhaitaient se faire entendre ... Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la Concurrence a expliqué que ce serait injuste de laisser ces deux-là convoler, et quand on dit convoler ... on voit bien que trop souvent on regarde passer les trains sans monter dedans.

Le problème est compliqué. D'une part la fusion Alstom-Siemens est présentée par ses tenants en argumentant que sans atteindre une taille critique suffisante, les européens du ferroviaire risquent de ne plus être compétitifs pour équiper nos propres TGV. Les chinois produisent d'ores et déjà plus de rames de trains rapides que les européens et pourraient envahir le marché prochainement.

Mais il y a aussi des gens qui voient dans cette idée de fusion présentée un peu à l'arrache et poussée très fort par des acteurs comme Macron, la Banque Rothschild, eh oui, désolé, on n'y peut pas grand chose, mais c'est toujours les mêmes ... une occasion de compresser le personnel, de mettre à profit les nombreux avantages et subventions injectées dans ces monstres industriels, pour, à terme, maximiser des profits qui vont assez rarement revenir entre les mains des gens qui financent vraiment ... les citoyens en grande partie au travers des impôts.

Et puis, parce que ce serait vraiment très simple si ce n'était que ça, il y a la Commission Européenne, et ses règles. Autant le dire tout de suite, les règles appliquées par la Commission Européenne, que ce soit par des burnes de première classe ou par des experts zélés, ce sont des règles qui sont en général proposées, éventuellement imposées, surtout par le Conseil, c'est à dire les représentants des exécutifs nationaux. Le Parlement alimente aussi la Commission en règles et procédures, les trois piliers de la Communauté se passant le témoin pour voter, valider etc.

Donc la commissaire Vestager n'a pas pu trouver dans la proposition Alstom-Siemens l'équilibre qui permettrait de garantir que la concurrence serait possible devant le monstre une fois le mariage prononcé.

Le problème c'est que l'outil de mesure de parts de marché, et donc de risque anti-concurrentiel, s'applique pour la Commission Européenne à la seule Communauté Européenne.

Si Alstom-Siemens sont fusionnées leur part de marché intracommunautaire sera très importante. Ce qui serait plutôt et singulièrement une bonne chose, non ? Oui mais, le règlement qui permet de dire si c'est bien ou pas, du coup, empêche la commissaire Vestager de valider l'accord, parce que le règlement lui impose de ne pas le valider.

Et ce règlement a été délibéré et validé par le Conseil avant d'être soumis au vote.

Aujourd'hui, commissaires et parlementaires indiquent en majorité que ce serait bien pour l'avenir que les connards du Conseil évitent de se plaindre des textes qu'ils poussaient très fort hier. Le même texte qui empêche la fusion Alstom-Siemens est celui qui a permis à la même commissaire de taper sur la tronche à Google en lui interdisant de se maintenir dans sa position dominante avec le système d'exploitation Android, dans le cadre de ses activités intracommunautaires.

On comprendra que si la jauge permettant de vérifier que les parts de marché d'un acteur industriel ou commercial ne s'applique qu'aux activités intracommunautaires, toute concentration d'activités à l'intérieur de l'Europe est très compliquée. Si le règlement avait été assez fin et intelligent pour contenir dès le départ une jauge mondiale, la fusion Alstom-Siemens aurait pu se former tranquillou et partir à l'assaut du Tibet pour bouter le chinois hors de Lille ou Belfort.

Donc pour l'instant exit Le Maire et sa cérémonie, il peut remettre les anneaux dans son naseau et retourner à l'étable des bêtes LREM. Sans oublier, si il veut être juste, de passer une soignée à Macron ... pour avoir absolument tout fait pour que cette fusion réussisse, vu les commissions que la Banque Rotschild et ses collaborateurs ont à y gagner, mais c'est une autre histoire ... ou pas ? En fait suffit-il, dans de telles circonstances, de dire qu'on ne s'occupe pas personnellement d'un dossier pour être affranchi de tout risque de conflit d'intérêt ?

L'union Alstom-Siemens n'est pas à proprement parler rejetée par la commissaire Vestager, elle ne fait que donner le résultat d'un travail collectif de réflexion et d'arbitrage. Un comité constitué de représentants de tous les pays de l'Union a travaillé sur le sujet, et les représentants du Royaume-Uni, de l'Espagne, des Pays-Bas et de la Belgique ont indiqué leur désaccord en raison d'un risque d'abus de position dominante. Du coup, l'ensemble des pays a rejeté le projet de fusion lors d'une dernière réunion. Y compris l'Allemagne et la France qui ne se sont pas opposées à l'avis général.

Bruno Le Maire qui ne peut pas se résoudre à finir sa carrière brillante dans l'impuissance propose d'ores et déjà de réformer les règles européennes sur la concurrence, et souhaite qu'on en fasse un sujet clef dans le cadre des débats pour les prochaines élections européennes.

Tout ceci donnera sans doute envie à Olivier Marleix de remettre le couvert sur les bons et mauvais côtés de la macronie, il s'occupe surtout du volet Alstom-General Electric, mais maintenant que celui concernant Alstom-Siemens est positionné en mode "tout pété", il serait bien utile qu'un parlementaire en exercice bardé d'entrain sur le sujet, nous permette de savoir combien ça coûte un tel projet fumeux en plein plantage ? Faut quand même espérer que les experts de chez Rothschild n'ont pas le bonheur de percevoir des honoraires pour une affaire loupée.

Alors bien sûr, un mariage foiré ça met un peu le bordel, on sent les invités un peu sidérés, d'un coup emportés par un blues bien compréhensible, ils s'apprêtaient à faire la fête, et les voici qui font la tête.

On surprend au détour d'un reportage sur Marine Le Pen qu'elle se fourre le doigt dans le nez, d'un autre sur Jean-Luc Mélenchon qu'il en rabat sérieux, depuis que des gens s'intéressent à ses attachés parlementaires. Enfin tous ces gens qui ont roulé des galoches à la Communauté Européenne pour gagner leur vie et faciliter celle de plein de proches apparaissent finalement comme de vulgaires grippe-sous ayant des travers identiques à monsieur ou madame tout le monde, ce qui devrait quand même leur donner un peu de sens de l'humilité qu'il n'ont pas, mais outre la saveur des fins de mois difficiles, ils adorent en mettre des pelletés de côté en crachant dans la soupe.

Il s'en passe des trucs dans les familles quand même. LREM est orpheline. Enfin Orphelin n'est plus LREM. Enfin un écolo qui a des couilles. L'immersion en territoire impie, l'entrisme pour tenter de faire bouger les lignes, ça ne fonctionne pas. Si on veut lutter contre les cons, il y a deux méthodes, la première consiste à créer une startup spécialisée dans les vols intergalactiques en espérant trouver un système stellaire vierge, ou dont le développement ne vire pas au jus de boudin tous les trois matins, la seconde méthode semble plus accessible : ne pas sympathiser avec les cons et accessoirement dire ce qu'on pense, même si on a du mal à y mettre les formes.

Mathieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, mais pas éloigné du tout de François de Rugy reprend sa liberté ... ce qui sous-entendrait que l'univers LREM n'est pas le monde libre au passage, mais ça on avait déjà des soupçons sur la question.

Le paysage politique est traversé par toutes sortes d'objets, ça fait parfois penser à une pluie d'étoiles. Un météore vient de faire quelques éclats, c'est François Hollande. Alors lui, il a remarqué que ces derniers temps certains pisse-froids s'essuyaient inélégamment les pieds sur sa gloire passée. Du coup il sort ses petits ongles pour tenter de griffer un peu, visant particulièrement l'actuel chef du Parti Socialiste qui a tenté une opération de la dernière chance en émettant l'idée que le mandat présidentiel de François Hollande fut un gros ratage.

Ce qui est vrai. Mais c'est le genre d'aveu que beaucoup de gens font depuis plus de deux ans, c'est dire, et Olivier Faure ne s'y résout qu'aujourd'hui ... quelle vision !

Hollande en profite aussi pour se livrer à l'exercice le plus vil qu'on lui connaisse, en tentant de laisser penser qu'il ne serait pas responsable en grande partie du résultat des élections présidentielles, premier et second tour. Là, on l'a connu drôle et constructif, on le sent un peu aigri et dans le déni psychopathologique. Le temps passe et n'a pas la même empreinte sur tout le monde.

Enfin, avec Hollande on n'était pas si mal servis, il a attendu d'être sorti de son mandat pour endosser le rôle du vieux con, avec Macron c'est dès le début du mandat en cours. En plein numéro d'artiste devant un millier de jeunes de 15 à 25 ans, dans le cadre des shows "grand débat" qu'il effectue aux frais de la Nation et dans le cadre de sa campagne "ne me lourdez pas", il explique doctement "C'est votre monde que l'on prépare".

Numéro d'artiste soit. Il vend ce qu'il peut, mais de là à convaincre qu'il prépare le monde pour les générations futures, c'est assez consternant. A Etang-sur-Arroux, à 15h48 il expose : "Je voulais commencer en partageant une conviction : (...) nous devons inventer le pays dont nous voulons, ni plus ni moins. J'attends de vous qu'on puisse débattre de tous les sujets sur lesquels j'ai interpellé les Français.". 

Je profite de la belle occasion que tu me donnes, Manu, un : pour rappeler qu'il n'a pas interpelé les français, il a tenté de sauver les meubles quand les français l'ont interpelé, et deux : pour dire que dans le pays qu'il faut inventer, il faut absolument que Macron soit pas autorisé à administrer, décider, représenter ... enfin qu'il traverse la rue pour trouver un job alimentaire et qu'on en parle plus. Ça nous évitera de voir les comptes de la nation exploser en raison d'une augmentation des dépenses pour tenter de mettre des rustines après avoir crevé la coque du bateau, et en ayant piqué la colle pour la filer aux nantis.

On comprend, à suivre bistouquet dans ses représentations, pourquoi Griveaux confond Coluche et Churchill, ces gens sont en apprentissage du métier de comique, mais ils ont pas encore obtenu le niveau "espoir".

L'actualité, c'est les relations franco-italiennes, baromètre bloqué sur "temps pourri". Le tempura chez les nippons c'est du beignet de légumes ou de poisson, avec le "temps pourri" et nos "frères rafle tout", les poissons volent et les grosses légumes se mesurent la virilité aux frais du peuple.

La tentation des italiens à encercler la macronie, avec Salvini qui aguiche Le Pen d'un côté et Di Maio qui ose la jonction avec les gilets jaunes français c'est assez étonnant, et surtout une démonstration de la fragilité des systèmes politiques à maintenir un semblant de protocole dans les interventions des uns et des autres. Le pauvre Le Drian obligé de jouer les arbitres dans un jeu dont il ignore les règles, il commence à montrer des signes évidents de faiblesse à accompagner la politique nationale et internationale. Lui son truc c'était représentant de commerce en canons et munitions. L'enjeu des querelles entre les exécutifs français et italien est multiple, mais il en ressort une difficulté certaine du gouvernement français à entretenir une politique internationale sérieuse. Si on n'est pas capable de s'entendre au moins un peu avec ses plus proches voisins !

Les bisbilles entre France et Italie ce n'est pas nouveau, et ça remonte en particulier à Sarkozy, avec les histoires concernant la Libye. D'une manière ou d'une autre, la fascination de Sarkozy pour l'argent et le pouvoir aura provoqué en plusieurs étapes, dont les ressorts ne sont pas d'une grande élévation politique, la guerre en Libye, les débordements migratoires de l'Afrique vers l'Europe, et les premiers à en prendre plein la figure ont été les italiens qui sont aux avant-postes pour accueillir les miasmes d'un interventionnisme français qui aura abouti à une longue période d'instabilités. Instabilités qui aujourd'hui se poursuivent entre Libye et Tchad, et à ce titre il y a ces jours-ci des faits de guerre déclarée entre la France et une partie des populations tchadiennes, au nom d'accords assez discrétionnaires appartenant au passé. Là encore, Le Drian sera mis à rude épreuve si les choses s'enveniment.

L'actualité c'est aussi les grands et les petits faits divers, d'hiver, de toutes saisons maintenant. Les éclaboussures des affaires Benalla viennent de mettre en difficulté pour la première fois Edouard Philippe, pas encore directement, mais si il ne se tire pas aux Galápagos avant peu, il finira par en prendre plein les lunettes à cause d'une paire de bras cassés en mal de réussite personnelle.

Benalla et Crase se sont effectivement rencontrés en juillet au domicile de la commissaire chargée de la sécurité du premier ministre. Elle affirme ne pas avoir assisté à la rencontre des deux, elle se souvient avoir vu Benalla, mais jamais Crase. Son compagnon, qui est militaire, pas précisément dans la troupe, mais plutôt dans les services d'excellence, est-il impliqué personnellement dans toutes ces âneries ? Oui, puisqu'il était partie prenante dans une histoire de contrat de sécurité qui concerne un mafieux célèbre et proche de Poutine, dont la famille vit sur la Côte d'Azur, on vous en passe des vertes et des pas mûres.

Donc les investigations de Mediapart, entre autres, auront permis de mettre des preuves à disposition de la Justice pour démontrer que Benalla et Crase ont rompu leur obligation de ne pas se rencontrer, qu'ils sont auteurs de parjures devant tout un tas de gens, et que de fil en aiguille ça va devenir très compliqué pour Yslapeth de dire qu'il ne savait rien de tout ça.

Aux États-Unis, il y a des gens qui posent régulièrement la question de savoir si Trump ne serait pas un agent double piloté par le Kremlin, vu la montée des complotismes en France, on peut être convaincus que la question va s'appliquer à Son Emanation.

Mais c'est un pas qui reste assez large quand même. Pour l'instant on sait juste avec évidence qu'il y a de riches russes à la fortune douteuse qui sont capables de refiler du pognon à des gens très proches du sommet du pouvoir pour assurer quelques menus services.

Une question se pose sur les développements récents de ce chapitre des affaires Benalla, c'est que si l'enregistrement des conversations entre Benalla et Crase a bien eu lieu chez la cheffe de la sécurité du premier ministre, ce qui est confirmé, qu'elle n'est pas à l'origine de l'enregistrement, se peut-il que ce soit son militaire de jules qui ait fait l'enregistrement ? Ou bien des intervenants extérieurs ? Et qui aura osé communiquer de tels enregistrements à la presse ?

Et si la cheffe de la sécurité du premier ministre peut se voir obligée de filer sa dem, son compagnon d'être suspendu, pour des problèmes d'écoutes ou d'enregistrements opérés à leur domicile, il est clair que dans cette république, que l'on soit tenancier des toilettes publiques de la Gare de l'Est ou grand serviteur de l’État, il est préférable d'éviter d'avoir des flatulences si on veut pas en faire profiter la moitié du pays dans l'heure qui suit. Tenez-vous bien et mangez 5 fruits ou légumes par jour.

Ah, la belle époque dans laquelle on est ! On avait eu la période Collomb et toutes ses petites complications intestines dans la vie des hautes sphères, maintenant tout devient boyaux et tuyauteries, et plus ça va, plus on a l'impression d'être dans la merde ... c'est normal.

Mais ça nous donne des moments de réjouissances quand même, de bons moments qui pourraient être de franche rigolade. L'Assemblée Nationale et le Sénat ne servent plus à grand chose dans ce foutoir, quoi qu'ils aient encore quelques fonctions possibles à exercer, le nouveau lieu de débats national en dehors des assemblées convoquées par Macron dans ses déplacements, c'est le plateau d'Hanouna. Il nous a essoré Schiappa, c'est maintenant le tour de Rugy. Moins ouvertement extraverti, l'ex-gauchiste de la campagne présidentielle à l'humour flegmatique, à la réserve qui sied aux personnes de bonne éducation, est d'une vraie grande culture, qui sera mise à l'épreuve des gens ordinaires. Aller chez Hanouna pour permettre à la France d'exprimer le projet d'un pays pour ses générations futures, c'est du grand Macron servi par des gens qui ont finalement très peu de respect des autres et d'eux-mêmes. Traverser la rue pour trouver un job, c'est facile à dire, mais de là à accepter d'être le faire valoir d'un troll inculte et immature, je préfère être dans l'opposition franche que dans la franche exposition. Et il serait productif que tout le monde reconnaisse qu'un type qui n'est pas à la hauteur pour présider le pays aujourd'hui ne le sera pas demain même en faisant des efforts surhumains.

Macron en est au stade, selon ses propres dires, de la scarification. C'est d'une éloquence parfaite. Si la scarification est une pratique que partagent certains professionnels de santé d'un côté, et des adolescents en mal de projet existentiel ou des humains de tous poils en quête d'un signe divin confirmant l'importance de leurs prières, de l'autre, l'analyse du propos du chef de l’État permet facilement de comprendre qu'il doit être plutôt classé dans la catégorie "littéraire" que "scientifique". On a eu des informations concernant son goût immodéré pour l'enseignement de la langue française pendant une partie de sa jeunesse, moins la preuve de sa compétence à ingurgiter et restituer des faits et des algorithmes avec succès.

L'idée intéressante du jour : Benoît Hamon propose une votation aux gens de bonne volonté pour tenter de faire émerger une liste unique d'union de la gauche pour les européennes. Une bonne idée, qui aurait pu utilement émerger il y a six mois, mais tant mieux si ça peut émerger et tant pis si c'est seulement maintenant. Ce qui serait utile, c'est d'enfoncer le clou sur les erreurs du passé, de toutes parts, et d’annoncer clairement ce que doit être l'Europe que nous voulons majoritairement, et que ne nous ont pas apportés les exécutifs précédents, jamais. En Europe, la majorité des gens souhaitent une Europe plus forte, plus sociale, plus solidaire, et la plupart des gens sont conscients que pour s'en sortir mieux et dans la paix il faut œuvrer pour une politique commune de l'énergie, de la défense ... pour des pratiques industrielles et commerciales un peu vertueuses, pour éviter les gâchis, pour encourager les projets, pour garantir la démocratie et en finir avec les exécutifs qui font tout capoter en catimini. Une Europe dans laquelle les seules frontières sur lesquelles on devrait s'interroger sont celles qui sépare l'humanisme de la connerie. Comme qu'y dirait une Europe pour laquelle on peut voter "pour".

Enfin bref, il y a de l'espoir, bien sûr, mais c'est pas gagné. Il faut aussi que l'idée d'un consensus établi parmi les électeurs de gauche prenne largement chez les électeurs de gauche, et pour ça vu les égotismes des chefs de troupeaux, ça n'est pas une histoire simple. Si un mouvement des gilets jaunes est né dans les esprits et dans la pratique dans notre pays, c'est bien pour tenter de faire baisser la garde aux leaders d'opinion qui n'apportent malheureusement pas assez d'eau au moulin du mieux être du plus grand nombre.

Et la double punition d'un peuple est de ne pas avoir été entendu jusqu'au point de se rebeller, et de se faire taper sur la gueule quand il s'exprime pour montrer tous les grands et petits désaccords qui le rendent pas joyeux.

Finalement les patrons des exécutifs de beaucoup de pays sont le plus souvent assez séducteurs pour donner envie au plus grand nombre des gens qui n'ont pas d'idée précise sur la manière d'organiser la société de se laisser aller à leur faire confiance, pour n'avoir à ferrailler finalement qu'avec le peu de passionnés ou de tordus qui ont des idées ou un bifteck à défendre. Ce qui permet à des Salvini ou Di Maio de se la péter avec prestance, en venant caresser dans le sens du poil des gens qui voudraient bien avoir un bifteck à défendre, tout comme on entend Erdogan faire la leçon à Macron ou ben Salmane Al Saoud sur le respect dû aux humains, l'un dans le cadre des répressions policières exercées sur les manifestants, l'autre dans celui de la privation de liberté d'expression imposée à un journaliste pour lequel on aura été jusqu'à le découper en morceau en commençant avant même de l'avoir occis proprement. Si Erdogan était un homme vertueux on serait bien content, mais comme il est particulièrement ordurier et sanguinaire dans son propre pays, on ne va pas accorder plus de crédit à ses postures qu'aux pantomimes des cibles de sa morale liquide.

Trump est bien embêté avec l'histoire du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, sa promesse faite au vieux roi Salmane Al Saoud de couvrir un peu les miasmes de sa progéniture ne tiendra pas, et le risque de voir la prospérité paisible remise en cause un jour ou l'autre, dans ce royaume généreux avec ses amis, s'en trouve grandi.

Force est de reconnaître un mérite à MBS, vice-premier ministre et fistule plutôt que fiston de son père, il a réussi à bousculer tellement de choses dans la géopolitique locale en si peu de temps qu'on peut lui reconnaître un talent certain de grand réformateur. Mais bon, le réformisme à coup de scalpel, ça vaut pas tripette, pas plus que celui à coup de flashball ou de grenades. Qu'on soit dans un pays démocratique ou démomerdique, il faudrait quand même que les dirigeants modernes assimilent un peu toute la littérature qui a été élaborée sur les 30 ou 40 derniers siècles concernant le fait que quand on exerce un pouvoir par la contrainte, c'est un peu comme quand on essaye d'enfoncer un ballon dans l'eau.

Archimède avait bien dit que tout corps plongé dans un liquide subit de la part de celui-ci une poussée inverse, du bas vers le haut, et égale, en intensité, au poids du volume de liquide déplacé. En clair, tu prends un ballon, normal, gonflé, tu le places sur l'eau d'un bassin, tu appuies dessus pour le faire entrer dans l'eau. Déjà tu vois que ça résiste.

A partir de là, soit tu comprends le truc et tu insistes pas, soit tu es du genre burne et tu veux .... y a pas à tortiller faut que ça rentre. Alors t'appuies, fort, très fort, pour coller le ballon au fond du bassin. Et là c'est selon ... soit tu restes comme un con avec ton bras immergé pour que le ballon reste où tu as décidé qu'il doit être, soit tu fais appel à un ami ... "allo, Castacricri, j'ai merdé avec Benalla je peux plus compter sur lui, maintenant c'est toi qui t'y colle pour les gros bras, viens là de suite, maintenant", ou alors, ou alors ... si il te reste la moitié d'une intelligence après ta démonstration de force, tu calcules comment retirer le bras et te tirer sur le côté très vite, parce que quand le ballon va remonter il va te rendre les fruits de tes petits nerfs d'un penalty direct entre les yeux.

On ne fait pas assez attention à nos enfants, à leur éducation, on devrait être plus soigneux. Rien que de voir la direction prise par Blanquer et son équipe, on se dit que des Macrons il va y en avoir des bataillons et des régiments dans quelques années. Alors que si on avait été plus attentifs on n'en aurait peut-être eu aucun. Le truc c'est pas d'empêcher des gosses de faire des caprices, mais de faire en sorte qu'ils comprennent où se trouve les bornes des limites pour ne pas dépenser inutilement de l'énergie et des moyens sans que ça serve à quelque chose.

Et ça pourrait permettre d'éviter de voir dans les nouvelles la dernière publication de l'INSEE, 106.000 créations nettes de postes en 2018, chiffre en baisse par rapport à 2017. C'est le principal échec de tout l'édifice de Macron. Si on accumule l'ensemble des moyens consacrés à faciliter l'activité économique, commerciale, industrielle, les largesses accordées aux "premiers de cordée", mis en face des résultats obtenus en matière d'emploi , Macron a le bilan sur un an le pire qui existe depuis des lustres. En matière de taux de chômage, c'est mécaniquement une élévation qui en découle puisque la croissance démographique de la population active est continue. Plus d'actifs, moins d'emplois. Et tous les ballons de pognon que le petit poussait au fond du bassin, ... ben comment dire ... ça va lui revenir dans la gueule, mais alors bien !

Allez, on discute, on discute, moi j'ai des trucs à faire hein ... c'est pas tout de deviser sur ces gens tellement importants. D'abord des fois on fini par être déçus quand on les regarde sous le narines, ils ont eux aussi des poils à l'intérieur.

Ça me fait penser à une grosse déception que j'ai eu très récemment. J'avais, chose assez rare, une aimable admiration pour George Clooney. Et là, patatras. Enfin bon, c'est juste que, comment dire, il a avoué avoir fait pratiquer sur sa personne un lifting du scrotum. Ben ça m'a significativement affecté quand même. Ça fait des mois que je dis, et je ne suis pas le seul, que la bourse part dans tous les sens, mais de là à penser que ça aurait une influence sur un acteur aussi attachant et lisse que George Clooney ... enfin je m'en remettrai. J'espère que lui aussi.


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16.200 postes supplémentaires ont été créés au
4e trimestre 2018.
VINCENT WARTNER / 20 Minutes
En 2017, la France avait créé un peu plus de 328.000 postes, un chiffre largement révisé à la hausse

L’année 2018 marque un net ralentissement dans les créations d’emplois avec 106.000 créations nettes dans le secteur privé, soit trois fois moins qu’en 2017, selon une estimation provisoire de l’Insee publiée ce vendredi.

Le secteur privé a enregistré un nouveau trimestre de créations nettes d’emplois salariés, avec 16.200 postes supplémentaires au 4e trimestre 2018, mais la progression est légère : seulement 0,1 %. Sur un an, l’emploi salarié privé progresse de 0,5 % (+106.100) pour atteindre 19,40 millions de postes au total. En 2017, la France avait créé un peu plus de 328.000 postes, un chiffre largement révisé à la hausse, de près de 70.000, notamment sur l’intérim (120.000 postes supplémentaires en intérim contre environ 45.000 donnés initialement), a-t-on précisé ce vendredi à l’Insee. Dans un premier temps, l’Institut avait donné pour 2017 le chiffre de 253.500 nouveaux postes.

L’intérim, marqueur de croissance, est en recul

2018 marque donc un net ralentissement des créations d’emplois dans le sillage de la croissance française, qui selon une première estimation de l’Insee fin janvier a plafonné à 1,5 % sur l’ensemble de 2018, loin des 2,3 % atteints l’année précédente. Hors intérim, la progression de l’emploi privé est de 0,2 % au dernier trimestre 2018. A noter que l’intérim s’inscrit en repli (-1,5 % après -1,1 %). Sur un an, il recule de 3,6 %. Souvent marqueur d’une reprise ou d’une croissance, l’intérim a perdu 29.000 postes sur un an et 12.000 postes au dernier trimestre 2018.

Au quatrième trimestre, l’emploi salarié privé ralentit un peu dans la construction, relève l’Insee, avec une hausse de 0,2 % contre +0,4 % au trimestre précédent, et se replie dans le secteur de l’industrie (-0,1 % après une stagnation). En 2017, le secteur de la construction était repassé dans le vert pour la première fois depuis 2008. Dans les services marchands, locomotive habituelle de l’emploi privé, les créations augmentent de seulement 0,1 %, avec 13.000 créations nettes au quatrième trimestre.

Ici on note un fléchissement de la création nette d'emplois. C'est noté. Ce qui n'est pas assez clairement indiqué c'est que la création nette d'emplois ne couvre pas la croissance de la population active. 

Mais ça fait rien, on doit croire que ça ne va pas si mal que ça. On attend donc de voir, comme prévu le taux de chômage continuer de baisser ? 

Si tel est le cas, ça montrera que les employés travaillent de moins en moins, que le nombre de travailleurs à temps plein diminue, c'est de pure logique arithmétique. Quand on l'annonçait pour inéluctable pendant la campagne présidentielle 2017, cela semblait incongru. Et dire qu'il y a toujours des couillons pour penser qu'il faut travailler plus pour résoudre les problèmes.

franceinfo (8/12/2019) : Tensions diplomatiques entre Paris et Rome : "La France renvoie une image arrogante en Italie"

Fabien Magnenou
Le président du Conseil italien Giuseppe Conte
et Emmanuel Macron lors d'une conférence
de presse à l’Élysée, le 15 juin 2018.
(LUDOVIC MARIN / REUTERS)
Les tensions diplomatiques entre la France et l'Italie s'aiguisent depuis les dernières élections italiennes et l'arrivée du gouvernement de coalition au pouvoir. Les thèmes de mécontentement sont nombreux.

La France et l'Italie sont désormais dos à dos. Paris a demandé le rappel de son ambassadeur à Rome, jeudi 7 février, sur fond de tensions larvées depuis plusieurs mois. La rencontre entre des "gilets jaunes" et le vice-Premier ministre Luigi Di Maio, la veille à Montargis (Loiret), a sans doute été la goutte de trop. Comment ces deux pays voisins et membres de l'UE en sont-ils arrivés là ? Le politologue Hervé Rayner, spécialiste de l'Italie contemporaine, répond aux questions de franceinfo.

Franceinfo : Êtes-vous surpris par la décision française ?
Hervé Rayner : Pas outre-mesure. C'est sans doute une tentative pour arrêter les polémiques entre les deux pays, lesquelles sont d'ailleurs presque à sens unique. Les attaques contre la France adressées par plusieurs dirigeants de la Ligue et du M5S pouvaient faire la une en Italie, mais elles rencontraient très peu d'écho en France.

Pourquoi Luigi Di Maio est-il venu voir des "gilets jaunes" en France ?

Le M5S a une histoire "mouvementiste" et il n'a changé de stratégie qu'en septembre 2017, en acceptant le principe d'alliances post-électorales. Aujourd'hui, certains de ses représentants expliquent que le mouvement a su recueillir les protestations exprimées depuis des années en Italie, raison pour laquelle ce pays ne connaît pas la même situation qu'en France. Un rapprochement avec les "gilets jaunes" est également une tentative pour trouver des alliés au niveau européen, car le M5S est très isolé. Lors de la précédente législature, il s'était allié avec le parti britannique Ukip de Nigel Farage, un choix d'ailleurs contesté en interne.

Est-ce également une forme de défi adressé à Emmanuel Macron ?

En effet, et il existe d'ailleurs une forme de surenchère liée à la compétition entre les deux partis de coalition, le M5S et la Ligue. Le rapport de force s'est en effet inversé entre les deux depuis les élections, puisque la Ligue est créditée d'une avance dans les sondages depuis le mois de septembre. Les médias ont même diffusé des images du président du Conseil italien Giuseppe Conte face à Angela Merkel. Il décrivait un sentiment de panique au M5S et une forme de cannibalisation par Matteo Salvini. Dans cette compétition interne, les deux composantes jouent à qui criera le plus fort ou provoquera le plus. Cela joue aussi dans les relations avec la France.

Au-delà des choix politiques, le président français lui-même concentre les critiques des dirigeants italiens...

Cette hostilité est liée au parcours du président français et à son expérience de banquier. Cela s'insère très bien dans une certaine rhétorique du M5S, qui a beaucoup mené campagne sur les liens entre dirigeants bancaires et politiques. Le mouvement, par exemple, a participé aux mobilisations en faveur des épargnants grugés dans l'affaire de la banque Monte dei Paschi di Siena. Il existe également une hostilité presque personnelle chez Matteo Salvini, qui multiplie les piques. Son parcours et celui du président français sont antagonistes, puisque le ministre de l'Intérieur italien est issu du militantisme de la Ligue du Nord dans les années 1990.

Quelle est l'image de la France en Italie ?

La France renvoie une image arrogante en Italie, comme dans d'autres pays. On cite souvent la "grandeur", en français dans le texte, un terme mobilisé par le général de Gaulle pour justifier telle ou telle politique. C'est lié au poids du capital culturel en France, lui-même lié à la centralité et à l'ancienneté de l'État, un phénomène bien étudié par le sociologue allemand Norbert Elias.

Quels sont les dossiers qui suscitent le mécontentement des dirigeants italiens ?

Il y a notamment la gestion des migrations aux frontières, à Vintimille ou dans les Alpes, puisque des gendarmes français ont même ramené des migrants du côté italien. En retour, ce mécontentement suscite à son tour d'autres critiques. Luigi Di Maio et un autre responsable du M5S ont récemment brandi la responsabilité du franc CFA dans les flux migratoires en Europe et ont affirmé que l'Italie subissait les conséquences d'un néo-colonialisme français. A ce titre, l'intervention franco-britannique de 2011 en Libye a été mal vécue, puisqu'une bonne partie des flux migratoires en Sicile ou en Calabre avait pour point de départ ce pays.

Quels sont les autres dossiers problématiques ?

La France a acheté beaucoup de marques italiennes depuis quinze ou vingt ans. Ces acquisitions industrielles ont cours dans le secteur de la mode ou de la grande distribution, par exemple, mais ont également donné lieu à un bras de fer médiatique entre Vincent Bolloré et Silvio Berlusconi. Dès lors, on comprend la colère des Italiens face aux réserves exprimées par la France sur un rachat des chantiers de l'Atlantique par l'Italien Fincantieri. Ce dossier envenime encore les relations.

La question des anciens terroristes italiens réfugiés en France est également agitée par les deux partis de coalition et notamment par le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini (Ligue), qui en a fait une affaire personnelle, au point d'attendre Cesare Battisti à l'aéroport. Et puis, Rome voit d'un mauvais œil la position de la France, qui souhaiterait que l'Allemagne dispose d'un siège au Conseil de sécurité de l'ONU. Même chose pour la rencontre organisée, il y a quinze jours, à Aix-la-Chapelle, pour renforcer l'axe franco-allemand. Il y a toujours l'idée que l'Italie est laissée pour compte.

Cela n'a "pas de précédent depuis la guerre", estime le Quai d'Orsay... Il y a tout de même eu des tensions entre les deux pays ?

Oui, il y avait déjà des bisbilles sous les mandats de Silvio Berlusconi. En 2011, lors d'un G20 à Cannes, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel avaient été interrogés sur la capacité de l'Italie à respecter les critères européens. Leur silence avait duré plusieurs secondes, ce qui avait été très mal vécu à Rome. Après ce sommet, Silvio Berlusconi avait été évincé de la présidence du Conseil. La presse acquise à sa cause, comme Il Giornale, avait ensuite couvert avec beaucoup d'attention les déboires judiciaires de Nicolas Sarkozy. Cette hostilité à la France se manifeste encore aujourd'hui dans le camp berlusconien. À l'inverse, le Parti démocrate condamne fermement ces attaques contre la France depuis deux ou trois mois.

Ces tensions entre l'Italie et la France peuvent-elles durer ?

Tout dépendra des joutes entre les deux pays les prochains jours. Mais les dirigeants de la Confindustria (le Medef italien) ont été très critiques vis-à-vis de la détérioration de ces relations, car la France est le deuxième partenaire commercial de l'Italie. Il y a deux mois, le gouvernement tablait de manière irréaliste sur une croissance supérieure à 1% en 2019 et le chiffre fourni par la Commission européenne est de 0,2%. À en croire les prévisions, l'Italie est le pays qui connaîtra la plus faible croissance en Europe, et de loin.

Avec tout ça les relations franco-italiennes sont un peu houleuses, mais chez les politiques surtout en fait. Parce que pour le reste, on parle beaucoup du couple franco-allemand, mais les français sont en réalité très liés à tous leurs voisins, par l'histoire, la culture, les affaires courantes. 

Si certains politiciens défendent l'idée de laisser tomber le tunnel en cours de construction entre Turin et Lyon, par exemple, une grande partie des gens pensent que ce tunnel représente un outil utile et de la plus grande importance. Mettre Lyon et Turin à deux heures l'une de l'autre serait un atout important pour ces deux métropoles. 

Les échanges entre la botte et l'hexagone ne datent pas d'hier, ils étaient déjà très importants il y a deux mille ans. Il est probable que les yeux brouillés de quelques jeunes vicelards ne terniront pas longtemps les rapports quotidiens entre les romains et les gaulois. En tout cas longue vie aux relations franco-italiennes non récupérées par des politicards vicieux.

Mediapart (5/2/2019) : Macron face à l’insurrection par les signes

Christian Salmon

L’affaire Benalla poursuit Emmanuel Macron comme son ombre. Les « gilets jaunes » le cernent tels les oiseaux de Hitchcock appelant à sa démission. Si le président s’efforce de donner le change en multipliant les interventions publiques, la confusion des signes est à son comble et les révélations de l’affaire Benalla sont en train de virer à la crise de régime.

« Ce quinquennat est fragile, fragile, fragile », déclarait Philippe Grangeon en mars 2018, huit mois avant le mouvement des « gilets jaunes ». Ce fidèle d’Emmanuel Macron, qui plaidait depuis le début du quinquennat pour de meilleures relations avec les corps intermédiaires, va rejoindre l’Élysée en tant que conseiller spécial à partir du 4 février pour réorganiser la communication présidentielle. Mais n’est-ce pas trop tard ? Et s’agit-il seulement d’un problème de communication ? « Le Titanic avait un problème d’iceberg. Pas un problème de communication », a twitté un jour Paul Begala, l’ancien conseiller de Bill Clinton pourtant grand communicant devant l’Éternel.

Dans le cas d’Emmanuel Macron, le « problème d’iceberg » est d’autant plus sérieux que la coque du navire présidentiel est d’une fragilité de porcelaine. Et l’iceberg est jaune comme un gilet.

Conçu dans l’improvisation d’une campagne hypothéquée par la présence du Front national au second tour, lancé dans l’euphorie d’une prise de pouvoir romanesque et porté en haute mer sous les applaudissements d’éditorialistes acquis à sa cause, le navire présidentiel n’a pas tardé à montrer ses malfaçons.

Un premier ministre d’ancien régime, onctueux et ondoyant selon les circonstances, terriblement archaïque malgré son jeune âge, une majorité présidentielle brouillonne et incompétente, des ministres invisibles dont on a peine à retenir les noms et les visages, à l’exception de trois ou quatre personnalités tapageuses chargées du service après-vente de l’action gouvernementale. Sous des dehors affables et modernistes, le macronisme s’est révélé très vite cette entreprise vaine et toujours recommencée qui consiste selon Marx « à vouloir réaliser l’expression idéale, l’image transfigurée de la société bourgeoise ». Une société bourgeoise repeinte aux couleurs d’un néolibéralisme extrémiste, profondément inégalitaire qui cherche à s’imposer à une société fracturée par la crise financière de 2008.

Qualifié d’« ovni politique », de « nouveau Bonaparte », et même d’« Obama français », Emmanuel Macron est l’homme d’une restauration ratée. Il voulait revenir aux sources monarchiques de la Ve République, recharger la fonction présidentielle d’une aura perdue, tout en la faisant basculer dans un autre univers, différent de celui de la politique, l’univers managérial. D’où ce syncrétisme troublant qui emprunte aux univers symboliques de la monarchie et de la modernité résumée par la formule de la « start-up nation » et sa bimbeloterie de produits élyséens désormais en vente libre.

Menant sa campagne tambour battant, à la frontière du public et de l’intime, de la politique et du romanesque, s’efforçant d’exposer son combat comme sacré, Macron s’est présenté aux votes des Français comme un héros à la charnière de l’ancien et du nouveau monde, solennel et ambitieux, capable de résoudre par la magie des mots la « crise de notre temps ». N’appelait-il pas les Français au temps de sa campagne à « penser printemps », un printemps dont le seul signe perceptible est l’éclosion du jaune aux ronds-points…

Hissé à de telles hauteurs lyriques, il ne pouvait que redescendre, régresser au niveau d’un discrédit qui n’a pas cessé de s’approfondir en une spirale nourrie par la surdité du pouvoir et sa superbe. De l’incarnation à l’exhibition, Emmanuel Macron poursuit sa réduction présidentielle. Selon ses propres mots, il en est au stade de la scarification.

Ce discrédit est le produit d’un hiatus qui est au cœur de la crise actuelle des gilets jaunes : une gouvernance brutale sans souveraineté et une démocratie tapageuse sans réelle délibération. Impuissance d’agir et régression démocratique sont les deux coordonnées de notre misère politique, à l’image d’un grand débat national qui se donne à lire comme une performance et un show présidentiel.

Mais l’affaire Benalla poursuit Emmanuel Macron comme son ombre. Les gilets jaunes le cernent tels les oiseaux de Hitchcock. Entre son ombre et les nuées de gilets qui appellent à sa démission, le président s’efforce de donner le change en multipliant les interventions publiques. Devant des assemblées d’écharpes tricolores alignées comme au lever des couleurs ou en immersion au milieu des Français rameutés à l’occasion du grand débat, le président est en campagne, un président affable, pédagogue infatigable de la rhétorique néolibérale qu’il connaît sur le bout des doigts et à laquelle plus personne ne croit.
Emmanuel Macron à Souillac (Lot), devant 600 maires,
le 18 janvier 2019. © Reuters
Ce n’est ni un débat ni une discussion, c’est un one-man-show dans lequel les questions qui lui sont adressées lui servent de tremplin. Il n’anime pas le débat, il le mime. Le gouvernement a transformé le grand débat national en « une opération de communication » au profit d’Emmanuel Macron… « Le grand débat est faussé », a déclaré Chantal Jouanno, la présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP). La plateforme internet « était prête, sauf qu’en fait, ils ont tout refait, dit-elle. On n’avait pas prévu de faire une opération de communication, mais un grand débat, donc on avait prévu de faire une plateforme numérique totalement ouverte […] où tout le monde pouvait échanger sur n’importe quel sujet ».

« C’est pas open bar »

Macron mène une expérience in vivo sur la société française. Cet outsider doit faire la démonstration qu’on peut réformer ce vieux pays. Cela demande de la détermination, une force de conviction à toute épreuve, le cuir épais. Il est engagé dans une expérience à haut risque qui vise à transformer le pays à marche forcée. Avec lui, c’en est fini des atermoiements, il a l’âge des certitudes, l’audace de ceux qui n’ont pas encore éprouvé les retournements de fortune, les épreuves, les échecs.

Usant d’expressions familières servies comme autant de formules calibrées pour être reprises par les médias et les réseaux sociaux, il sermonne le bon peuple. Descendu de ses hauteurs monarchiques, Macron, c’est le surveillant général face à un monôme d’étudiants. « La vraie réforme, elle va avec la contrainte, les enfants ! C’est pas open bar », déclare Emmanuel Macron lors d’un débat citoyen dans la Drôme.

N’hésitant pas à donner en exemple son parcours d’excellence, il interpelle les illettrés, les assistés, comme s’il morigénait des collégiens qui « déconnent » et prend à témoin l’assistance sur un ton volontiers gouailleur : « C’est de la pipe », « Il ne faut pas raconter des craques ».
Le problème, c’est que les craques viennent de son propre camp. La vérité, elle arrive par la bande sous la forme d’un enregistrement rendu public par Mediapart. Car encore une fois c’est par le biais d’une voix que le scandale arrive. Après celle de Jérôme Cahuzac qui avouait détenir un compte à l’étranger sur un répondeur téléphonique, après celle de Nicolas Sarkozy mis sur écoute par la justice dans l’affaire Bismuth ou enregistrée à son insu par son conseiller Patrick Buisson, une fois de plus c’est une voix enregistrée qui vient semer le trouble jusqu’au sommet de l’État.
Alexandre Benalla et, au second plan, Vincent Crase,
le 1er Mai, à Paris. © Reuters
Ainsi de la conversation entre Alexandre Benalla et Crase, son comparse de la Contrescarpe. Et tout d’abord qu’elle a eu lieu. Comme la lettre volée d’Edgar Poe, l’enregistrement est en soi la preuve manifeste du délit. Benalla et Crase se sont bien rencontrés le 26 juillet dernier, à Paris, en violation manifeste du contrôle judiciaire qui leur interdisait tout contact.


Au cours de cette conversation Alexandre Benalla révèle, contrairement à ce qu’il a juré sous serment devant le Sénat, qu’il s’est personnellement impliqué, touchant de l’argent au passage alors même qu’il travaillait à l’Élysée, dans un contrat de sécurité avec un oligarque russe proche de Vladimir Poutine, par ailleurs soupçonné de liens avec la mafia. Enfin, l’indélicat conseiller se prévaut du soutien personnel du chef de l’État et de liens qui se sont prolongés avec l’Élysée pendant plusieurs mois après sa mise en examen.

La violation du contrôle judiciaire, le parjure devant le Sénat, les liens éventuels avec la mafia russe seraient couverts en quelque sorte par le soutien du chef de l’État exprimé selon les confidences d’Alexandre Benalla à Vincent Crase par un SMS d’Emmanuel Macron. « Le patron, hier soir, il m’envoie un message, il me dit : “Tu vas les bouffer, t’es plus fort qu’eux, c’est pour ça que je t’avais auprès de moi. Je suis avec Isma [Ismaël Emelien, conseiller spécial du président – ndlr], on attend Le Monde, etc.” », rapporte l’ancien collaborateur de l’Élysée, en allusion à l’entretien fleuve qu’il avait accordé à l’époque au quotidien du soir. « Donc le patron [Emmanuel Macron – ndlr] nous soutient ? » interroge alors Crase, l’ancien responsable de la sécurité de La République en marche. « Ah ben il fait plus que nous soutenir », réplique Benalla. « Il est comme un fou. (…) C’est énorme quand même », conclut-il ensuite, hilare.

Alexandre Benalla est un prisme qui permet de comprendre Emmanuel Macron au regard de son langage. « Tu vas les bouffer, t’es plus fort qu’eux. » Selon ses proches, le registre vulgaire ne relève pas seulement d’un calcul visant à se montrer proche des gens, accessible et populaire. Au contraire, en privé, Emmanuel Macron pourrait même se montrer très direct, voire cru, dans ses propos, « un vocabulaire sexuel très vert ».
https://www.youtube.com/watch?v=rKkUkUFbqmE&feature=youtu.beLors d’un conseil présidentiel des villes en mai dernier, il avait mis en cause la « tétra-chiée d’associations » en banlieue sans oublier le fameux pognon de dingue que coûtent les minima sociaux. Un portrait qui tranche avec l’image élitiste, souvent décriée, dont bénéficie l’ex-énarque. « Ce n’est pas le gendre idéal, loin de là. C’est un mauvais garçon. »

La violence verbale commune au président et à son ex-conseiller atteste d’une affinité entre les deux hommes, sinon d’un mimétisme. Ils ont un langage en commun. Leurs écarts de langage ne sont pas de simples dérapages. Le moi disait Freud est une « pauvre créature, devant servir trois maîtres ». Le monde extérieur se remplit de gilets jaunes, le ça Benalla n’en fait qu’à sa tête et le surmoi jupitérien est saisi de vertige. Pour le dire de façon imagée, la vulgarité de Macron, c’est l’expression du ça benallien qui se rebelle contre son surmoi jupitérien. Cela donne le choc incontrôlé de deux registres linguistiques. L’un se veut intello, pédagogue, modéré, l’autre profane, vulgaire, violent.

La voix du cynisme et de la vulgarité

De l’affaire du Watergate aux micros du Canard enchaîné et aux écoutes de François Mitterrand, désormais c’est le président lui-même, ses ministres, ses conseillers qui sont écoutés et parfois trahis par leur propre voix. Nul besoin de cambrioleurs rocambolesques pour poser des micros, les progrès de la téléphonie mobile ont réduit à néant le champ des conversations à voix basse, les tête-à-tête discrets, les messes basses et les conciliabules.

Nicolas Sarkozy avait imaginé un subterfuge pour échapper aux grandes oreilles de la justice. Il communiquait avec son avocat Thierry Herzog au moyen d’un téléphone secret acheté au nom d’un certain Paul Bismuth. Peine perdue, la justice retrouva sa trace et mit sur écoute le soi-disant Bismuth. Mediapart publia des extraits de sept écoutes judiciaires de leurs conversations notamment celle où Me Herzog qualifie de « bâtards de Bordeaux » les juges qui avaient mis en examen l’ex-président dans le cadre de l’affaire Bettencourt.

Ces voix enregistrées, nous les écoutons, incrédules, fascinés, car elles disent la vérité du pouvoir. Et cette vérité est indécente. C’est la voix du cynisme et de la vulgarité chuchotée dans l’entre-soi. Nous les écoutons avides de connaître les informations qu’elles contiennent, mais aussi, pour leurs résonances et leurs interactions. L’enregistrement sonore a valeur de preuve. Ne dit-on d’une pièce à conviction qu’elle a parlé ? Et c’est bien le cas de ces voix ; elles parlent et nous disent sans ambages la vérité du pouvoir.
https://www.youtube.com/watch?v=K2fgIwkuhUs&feature=youtu.beLes images de la Contrescarpe manifestaient cette brutalité emphatique qui n’appartient pas au registre du maintien de l’ordre, mais à une symbolique et à une esthétique, celles du catch. Une violence ostentatoire qui explique sans doute sa viralité sur les réseaux sociaux. Une violence surjouée devant une audience imaginaire. Benalla jouait pour lui-même un rôle vu au cinéma ou à la télé. Et cette scène à la fois réelle et imaginaire dévoilait la violence à l’œuvre sous le visage affable du pouvoir. Ce que confirme Alexandre Benalla lui-même : « C’était un film l’histoire quand même, hein ? », dans sa conversation avec Vincent Crase.

Les violences contre les migrants, les zadistes, les lycéens d’Arago ou des élèves de Mantes-la-Jolie, les violences contre les gilets jaunes… toutes prennent sens et trouvent leur cohérence dans une entreprise concertée d’intimidation – comme si l’État avait déclaré la guerre à toute la société. C’est en cela que l’affaire Benalla peut être qualifiée d’affaire d’État : parce qu’elle rend perceptible une certaine vérité de l’État et que cette vérité est « violence ». Violence ciblée contre toute tentative d’opposition politique. Mais aussi violence suspendue au-dessus de la tête de tout citoyen, dans une sorte de couvre-feu général. Plus personne n’est à l’abri.
Marche blanche – gilets jaunes,
samedi 2 février, Paris. © Pascale Pascariello
C’est que les violences policières vont de pair avec la violence des images et du langage. Les blessures sont infligées au corps des manifestants, mais aussi à tout le corps social, exposé à une transfusion d’images sanglantes. Corps mutilés, mains arrachées, visages éborgnés, défigurés, le bilan de la répression policière du mouvement des gilets jaunes s’alourdit de semaine en semaine, et si les premiers actes des manifestations faisaient penser au déroulé d’une pièce de théâtre, la liste des blessures infligées par les forces de l’ordre évoque désormais plutôt le théâtre d’opérations d’une guerre larvée, intermittente qui reproduit chaque semaine le même mode opératoire, encerclement, gazage, grenades de désencerclement utilisées à rebours, tirs de flashball à la tête et au corps, celui d’une guerre menée par le pouvoir contre des civils désarmés et en l’absence de tout danger.

L’inventaire des violences policières établi par le documentariste David Dufresne pour Mediapart constitue un mémento des violences policières, un signalement, c’est-à-dire aussi un ensemble de signes de la violence d’État.

Des images privées de tout récit fédérateur

Fusion de la violence réelle et de la violence symbolique contre des populations assimilées à un ennemi intérieur : pour Emmanuel Macron, la société est quelque chose qu’il faut forcer à tout prix, par tous les moyens, tout en donnant à voir le spectacle de ce « forçage » pour que le peuple y prenne goût.

Dans nos sociétés hyper connectées et hyper médiatisées, en proie au brouhaha des réseaux, engourdie par une succession de chocs et de clashs, accoutumée à la brutalisation des échanges où toute prise de parole, de quelque autorité qu’elle vienne, est frappée de soupçon, la violence est de retour.

Une violence systémique et stratégique, qui n’est plus seulement de l’ordre de la bavure individuelle et qui s’appuie sur des armes surpuissantes causant des blessures de guerre contre les populations civiles. En deux mois, les forces de l’ordre ont en effet éborgné plus de personnes qu’au cours des quinze dernières années. Les condamnations sont rarissimes. Pour avoir éborgné un enfant de 9 ans d’un tir de flashball, à Mayotte en 2011, un gendarme a ainsi été condamné en mars 2015 à deux ans de prison avec sursis par la cour d’assises de Mayotte. Ce qui semble être la plus lourde peine prononcée à ce jour.

La syntaxe utilisée par les BAC (brigades anticriminalité) n’a rien à envier aux armées coloniales. Ainsi de ce policier un samedi soir, boulevard Haussmann à Paris : « Ça commence à casser les couilles maintenant tous les samedis, ça va suffire, on va vous brûler la gueule s’il le faut. » Ou encore dans l’Ain, le 8 décembre, ce policier qui crie « Bang ! » ou « A voté » quand un tir atteint un manifestant ou encore « Bouyaka ! », une onomatopée empruntée au dancehall jamaïcain.

« Nous ne sommes pas face à des bavures, affirme Joachim Gatti, qui a perdu l’usage de son œil droit en 2009 à la suite d’un tir de flashball, mais à un corps policier qui défend un certain ordre économique face à un mouvement de contestation d’une puissance inédite. Le gouvernement veut faire cesser la révolte des gilets jaunes en inscrivant la peur et la résignation dans les corps. C’est la fonction du flashball. C’est là où il vise toujours juste. » Il « frappe la vision » selon l’audacieux euphémisme de notre Fouché de Manosque qui a désigné ainsi les graves blessures causées par les flashballs des forces de l’ordre sur les manifestants éborgnés. Que dire alors des manifestants qui ont perdu une main, un pied, qu’ils ont été frappés au toucher, à la marche ?

L’incapacité du pouvoir à nommer la réalité (par le déni, l’euphémisation, le mensonge ou la provocation) est le signe que la crise sociale lui échappe, échappe à ses habitudes de pensée, à ses routines politico-syndicales. Quelque chose d’imprévisible et d’inconnu a surgi qui n’entre pas dans les codes et les procédures de la communication de crise. La persistance du mouvement dans le temps, sa visibilité dans l’espace instaurent une signalétique inconnue dans un monde désorienté.

Depuis deux mois, le jaune pullule à sa guise un peu partout, apparu aux ronds-points il a gagné les rues des centres-ville, débordant les rendez-vous du samedi, il prétend s’égailler la nuit, il pavoise aux fenêtres. La ville s’orne de graffitis humains, mobiles, instables. Le gilet jaune est partout. Il a gagné ses lettres de noblesse comme le bonnet phrygien de jadis. C’est une page vierge où s’écrivent les revendications, un signal d’alerte, un signe de ralliement.
Notre émission MediapartLive du 30 janvier,
avec les gilets jaunes en direct de Commercy (Meuse).
C’est un signifiant pur. Le flambeau du discrédit sur lequel s’abattent en vain les tirs de flashball, les nuées de gaz lacrymogène.

Pourchassées par des forces de l’ordre, les foules jaune et noir tournoient insaisissables autour du pouvoir comme des essaims de guêpes rendues enragées par la répression. Une insurrection par les images livrées à elles-mêmes et privées de tout récit fédérateur. Car les images depuis l’été ont une fâcheuse tendance à diverger des discours et à vivre leur vie en se retournant parfois contre leurs auteurs. Des vidéos de la place de la Contrescarpe aux images des lycéens de Mantes-la-Jolie à genoux les mains sur la tête, du selfie de Benalla pointant son revolver sur une serveuse de restaurant aux images de Macron en Guyane ou à l’Élysée pour la fête de la musique, et jusqu’au montage de la photo Macron à la une du magazine du Monde dont l’interprétation s’égara entre Hitler et le constructivisme… c’est cette réversibilité des images qui est à l’œuvre partout.

La ville ne se donne plus à lire dans l’alignement haussmannien de ses avenues et de ses bâtiments officiels, mais dans la prolifération des signes de l’insurrection, attroupements jaunes, flammes des véhicules incendiés, graffitis sur les monuments.

Jadis l’insurrection partait des usines et des quartiers, des lieux de la socialisation ouvrière. Désormais, tout est séparé sous le signe de la télévision et de l’automobile. La puissance du gilet tient à cette réversibilité, à cette réappropriation du mobile et du visible par les gilets. Retournement de la violence du signe contre le pouvoir et sur son propre terrain, hors de toute référence politique ou idéologique. Révolte contre la sémiocratie du pouvoir.

Aux signes monarchiques malencontreusement convoqués par Emmanuel Macron répondent les signes de l’insurrection. À la monarchie de Juillet, les Trois Glorieuses rejouées en douze actes. À la restauration, la révolution. À la tyrannie, l’émeute. Surenchère des mythes historiques et de leur théâtralité. Le pouvoir règne par les images et les mots. Mais il peut aussi vaciller devant l’insurrection des signes et leur désynchronisation.

Comment parler avec sa propre voix ?

Platon affirmait que les régimes politiques ont une voix propre (phônè). « Tout État qui parle son propre langage vis-à-vis des dieux et des hommes et agit conformément à ce langage, prospère toujours et se conserve, mais en imite-t-il un autre, il périt. » Il ne s’agit pas seulement de cohérence politique ou de fidélité à la parole donnée ; un régime doit « parler juste », avec sa propre voix, et non pas avec une voix fausse ou déguisée. Mais comment parler avec sa propre voix ? Est-ce seulement une question de sincérité ?

Le « parler-vrai » en démocratie pose de redoutables problèmes et exige que soient réunies plusieurs conditions que Michel Foucault a problématisées dans son séminaire sur la parrêsia (le « franc-parler », le « parler-vrai »).

Des conditions juridiques, formelles – le droit pour tous les citoyens de parler, d’opiner –, mais aussi des compétences particulières de la part de ceux qui s’expriment et prennent l’ascendant sur les autres. Il faut aussi que le discours soit un « discours de vérité » ou à tout le moins inspiré par la quête de la vérité et non simplement par le désir de plaire ou de flatter l’auditoire. Enfin, un discours de vérité n’est possible dans une démocratie que sous la forme de la joute, de la rivalité, de l’affrontement, ce qui exige, dernière condition, du courage de la part des individus qui prennent la parole.

« Condition formelle : la démocratie. Condition de fait : l’ascendant et la supériorité de certains. Condition de vérité : c’est la nécessité d’un logos raisonnable. Et enfin condition morale : c’est le courage, le courage dans la lutte. C’est ce rectangle, résume Michel Foucault, qui constitue la parrêsia. »

Le rectangle de Foucault n’est évidemment qu’une figure qui permet de synchroniser idéalement les conditions d’un discours vrai, ce qu’il appelle la « bonne parrêsia ». Mais il y a aussi une « mauvaise parrêsia », que Foucault étudie au tournant du Ve et du IVe siècle à Athènes, lorsque les quatre côtés du rectangle ne s’ajustent plus. Que se passe-t-il ? La parrêsia est pervertie. N’importe qui peut parler. Les critères de cette parole ne sont plus la véracité, l’intention de dire vrai, mais le besoin d’exprimer l’opinion la plus courante, qui est celle de la majorité. La phôné dont parlait Platon n’est plus audible. Les dirigeants se mettent à parler une autre langue. « Le dire-vrai s’efface dans le jeu même de la démocratie. »

On peut citer trois exemples de cette mauvaise parrêsia dans l’histoire politique récente : le langage bureaucratique des staliniens ; la logorrhée et les vociférations fascistes de Hitler et de Mussolini ; la cacophonie et le tohu-bohu des démocraties médiatiques…

Mais si l’on voulait appliquer le rectangle de Foucault aux démocraties occidentales, il conviendrait de lui adjoindre un ou deux côtés supplémentaires, quitte à transformer le rectangle de la parrêsia en un pentagone, voire un hexagone. Aux quatre conditions énumérées on devrait ajouter une cinquième, celle qui articule la question de la phônè d’un régime à la scène du pouvoir, c’est-à-dire la question de l’acoustique d’un régime.

Depuis l’agora des Grecs jusqu’aux réseaux sociaux d’aujourd’hui, en passant par les chambres parlementaires et leur règlement, la démocratie dépend, pour se faire entendre, du dispositif concret d’énonciation, de transmission, de réception de la parole. Dans quel ordre les orateurs vont-ils s’exprimer ? Comment leur parole est-elle retransmise : grâce à l’acoustique du lieu ou par des moyens de retransmission comme la radio, la télévision ou Internet ? Quelle est la forme du droit de réponse utilisée par les citoyens ? S’effectue-t-il en direct, sous la forme de questions écrites, par l’intermédiaire des journalistes, ou par la voie d’une interpellation directe à la tribune, ou, comme c’est le cas aujourd’hui, au cours des débats à la télévision, par Twitter interposé ?

Enfin, une sixième condition devrait être prise en compte, c’est la question du timing, de l’« agenda ». Quels sont les sujets abordés ? Qui fixe l’ordre du jour ? Qui décide de la line of the day ou de la story of the day ? Le service d’information de la présidence, comme c’était le cas sous Reagan, ou sous Sarkozy ? Ou bien les médias qui créent le buzz et réussissent à imposer leurs propres priorités ? Qui du gouvernement et des médias conditionne l’agenda de l’autre ? Quel est le rôle que joue la nouvelle « agora » des internautes, qui peut imposer un autre agenda politique et parfois même renverser le régime et sa mauvaise parrêsia en s’assemblant sur les places publiques et en exprimant sa colère ?

Un bel effort que cet article, et j'y trouve mon compte de faits et d'éléments d'analyse. Moi je ne fais pas exactement la même interprétation dans le détail. Quand il est écrit plus haut : "Macron mène une expérience in vivo sur la société française. Cet outsider doit faire la démonstration qu’on peut réformer ce vieux pays.", ma conviction est plutôt orientée sur l'idée que personne n'a contraint Macron, personne ne lui a forcé la main, il a sans doute obtenu un consensus sur sa personne pour recevoir des moyens extraordinaires qui lui ont permis d'arriver au pouvoir, mais il a aussi, depuis, pris son indépendance, celle qui est indissociable de tous les parcours de pervers incapables de concevoir le monde tel qu'il est mais seulement tel qu'ils voudraient qu'il soit.

C'est à mon sens ce qui explique Macron souriant pour tenter de séduire, encore, des auditoires triés sur le volet, et d'une vulgarité évidente quand il apostrophe parfois un citoyen de passage, ou qu'il s'exprime d'une morgue assassine sur les français quand il est à l'étranger. C'est le même Macron qui est dans la séduction et dans l'injonction, dans l'argumentation apparente et la conclusion inflexible, dans l'affichage d'une quête pour un monde meilleur, et la mise en pratique qui ne concerne que les gens qui sont à distance réduite de ses pensées. Macron est indissociable des méthodes policières qui frappent aveuglément jusqu'à théoriser la justification des LBD qui peuvent crever les yeux de manifestants au hasard des tirs à hauteur de tête sur une foule. Il ne faut pas ignorer que la concentration des pouvoirs n'a que rarement été aussi grande dans le pays, et que si Benalla n'est pas encore incarcéré à ce jour ce n'est pas l'envie qui a pu manquer d'en arriver là pour un certain nombre de hauts fonctionnaires de police et de justice. 

Peut-être même le premier ministre a t-il été tenté de mettre hors d'état de nuire quelques sbires dont Benalla, qui rendent le mandat Macron impraticable. Et peut-être qu'Edouard Philippe est en train d'arriver à cette fin provisoire ces jours-ci, au prix d'une cheffe de la sécurité qui lui a toujours été dévouée.

Ce qui est essentiel, qui devrait l'être, ce ne sont pas les péripéties de super-Dupon.t.d à la botte d'un Macron apprenti-sorcier et mauvais joueur, non, c'est la violence, sous toutes ses formes, qui ne s'est pas banalisée du fait de Macron, mais de laquelle il peut être plus que tout autre tenté de s’accommoder pour satisfaire un narcissisme certain.

 
Cette image de la Lune et de la Terre a mis vingt
minutes pour être téléchargée par des amateurs
passionnés. Crédit :
https://space.skyrocket.de/doc_sdat/dslwp-a.htm
Cette image de la Lune et de la Terre a mis vingt minutes pour être téléchargée par des amateurs passionnés. Crédit : https://space.skyrocket.de/doc_sdat/dslwp-a.htm

Un satellite chinois a capturé une image inédite où la Terre apparaît étonnamment petite face à l'astre céleste. C'est la première fois que les deux astres sont réunis au sein d'un cliché aussi clair.

C'est une sacrée mise en perspective de la carrure de notre planète. Le micro-satellite chinois Longjiang-2, en orbite autour de la Lune depuis le mois de juin, a réalisé une image inédite de la face cachée de notre satellite naturel avec la Terre visible en arrière-plan, étonnamment petite, presque insignifiante face à l'immensité de l'astre de la nuit.

Capturée le 3 février, l'image a été partagée par le télescope néerlandais Dwingeloo, qui est opéré par des amateurs passionnés. Le téléchargement du fichier a pris près de 20 minutes. La photo originale a été compressée et retouchée car la Lune et la Terre y apparaissaient sous une teinte bien plus violette que dans la réalité.

Le produit final montre la Terre et la partie méconnue de la Lune sous la forme de deux disques parfaitement éclairés par le Soleil. C'est la première fois que les deux astres, séparés par près de 400.000 kilomètres, sont réunis au sein d'un cliché aussi précis.
La Terre et la Lune apparaissaient beaucoup plus
violettes que dans la réalité sur la photo originale Crédit :
MINGCHUAN WEI/HARBIN INSTITUTE
OF TECHNOLOGY
Cette photo nous est parvenue grâce au satellite-relais Queqiao placé entre la face cachée de la Lune et la Terre pour assurer les liaisons radio avec l'atterrisseur Chang'e 4 parti explorer ce territoire lunaire oublié en début d'année pour le compte de l'agence spatiale chinoise. D'autres images doivent être transmises à la Terre dans les prochaines semaines.

La Lune a la particularité de toujours présenter la même face vers la Terre. Cet effet dit de rotation synchrone s'explique par le fait que la période de révolution et la période de rotation de la Lune sont les mêmes. Sur un même rythme, d'environ 27 jours, elle fait à la fois un tour sur elle-même et un tour de la Terre, comme dans une danse où les deux partenaires se tiendraient les mains pendant que l'un tournoie autour de l'autre.

La mise en perspective de la Lune, plus proche lors de la prise de vue, et de la Terre en arrière plan nous montre une certaine relativité des choses sur la grandeur de toute l'humanité et de son vaisseau phare. La Terre est situé à 400.000 bornes en l’occurrence ici. Ce qui réduit la taille de la salle des fêtes de l’Élysée à la taille d'un microbe ou quelque chose de presque insignifiant comme ça, insignifiant, mais potentiellement nuisible aussi ... bref.

Enfin donc la Lune, dont on voit ici la face cachée est toute belle, même si la photo peut paraître un peu moyenne, il faut quand même se mettre à la place du photographe, virtuel, j'aimerais pas avoir à faire le chemin à pied, par la Chine, pour refaire la photo. Et la Terre paraît si petite avec ses bientôt 8 milliards de clampins affairés à la bousiller au quotidien. Elle est bleue, encore, jusqu'à ce qu'on finisse de lui exploser son atmosphère fragile, ses océans, ses continents ... et ses incontinents qui se lèvent la nuit en allumant la lumière.

Donc, je vous propose de mesurer sur votre écran la taille de la bille bleue, de vous rappeler qu'elle fait environ 12 millions de mètres de diamètre en vrai, et d'avoir une pensée positive.

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Au café du commerce, il n'y a que les godets pleins qui rapportent sans ficelle

Pour deux francs et pas un saoul ... - Je regarde cette putain de carte avec ses points rouges. Elle a la chtouille. On a beau dire, ...