14 février 2019

L'actualité sous le filtre de ma (presque) mauvaise foi. 14 février 2019

Bandeau : parmi les bobines collées ici dans le désordre, il y en a une qui supporte bien la ressemblance avec Chirac, et pour cause, mais ça n'avait jamais été aussi frappant.

L'opéra de quête sous.

Dans l'opéra de quat'sous, en prélude, on débarque dans la foire à Soho. « Les mendiants mendient, les voleurs volent, les putains font les putains. » Un chanteur des rues interprète la complainte de « Mackie-le-Surineur » ... je cite le prélude du livret.

Pourquoi je cite ce truc ? Euh ... non, en fait j'ai rien dit ... mais j'aime bien l’œuvre de Bertolt Brecht et Kurt Weill. Bon, bref, passons à l'actualité.

Je partage un truc avec Sarko, dans ce monde tout est vraiment possible, j'ai fait ma conversion chouquettes depuis des années. La chouquette, quand elle est du jour, c'est trop bon.

C'est à peu près le seul point commun que j'ai avec le p'tit Nico, mais ça me laisse penser que l'humanité a de ces trucs qui peuvent sauver les meubles quand on a des gens dans le nez. Et pour ça, je pense que le pétrin dans lequel on peut tous se mettre un jour ou l'autre n'a pas de meilleure version que celui du boulanger, surtout quand il n'oublie pas de mettre dans ses vitrines de bonnes viennoiseries, et quelques chouquettes.

C'est chou non ?


Bon tant pis si ça modifie un peu mon jugement sur Sarkozy, le savoir contraint par Jean-Michel Cohen, quand l'énervé de Neuilly logeait à l’Élysée, de lâcher les chocolatines pour les petits choux au sucre, ça me le rend sympathique même si ça n'enlève pas ses défauts.

Même si, ... même si on apprend de la bouche de Philippe Val, lorsqu'il a viré Stéphane Guillon de France Inter, Sarkozy lui avait dit avec une réelle clairvoyance de ne pas l'éjecter.

Moi, je pense que les fous du roi sont nécessaires à la stabilité des monarchies, surtout lorsqu'elles prétendent avoir des airs de démocratie. Philippe Val a dégagé Stéphane Guillon parce qu'il pensait que son autorité était ébranlée par la persistance de l'humoriste à lui trouver du poil aux pattes, mais ce que Philippe Val n'avait pas à l'époque réussi à assimiler c'est qu'on est chef respecté quand on est suffisamment attentif pour être respectable.

Et toc.

Après, le métier du fou, c'est pas une histoire simple. Plus on est de fous, moins y a de rires, et des fois les amuseurs finissent par se prendre la grosse tête en cherchant à se valoriser avec des conneries.

La ligue du LOL, c'est parti un peu comme une bouffonnerie, mais ça se termine en jus de boudin, la petite équipe centrale qui a passé beaucoup de temps à harceler des gens qui n'avaient rien demandé est en train de passer de mauvais jours. Mais c'est de bonne guerre, le harcèlement qu'ils ont industrialisé mérite plus qu'une fessée.

Le Mohock Club et l'évocation faite par Victor Hugo, le fun club dans l'Homme qui rit, de ces crétins le plus souvent issus de la "bonne société" qui s'amusent à arracher les pattes des mouches par pur plaisir nous montre que la bêtise n'est pas inscrite dans la modernité des réseaux sociaux d'aujourd'hui. Ça existe depuis toujours, et ce n'est pas excusable, d'autant moins venant de la part de personnes dont l'esprit devrait être un peu plus éclairé sur l'humanisme et les humanités. Les journalistes ont-ils un devoir moral envers la société plus que les autres ?

Sans aucun doute puisqu'ils sont là avec des droits et des pouvoirs particuliers pour informer, autant que possible sans déformer. Non parce qu'ils feraient autorité à titre individuel, mais parce qu'ils sont en principe entourés de soins particuliers que la société leur prodigue pour faire exister la vérité.

La perte de sens moral n'est pas comme l'appendicite, on ne peut visiblement pas y faire grand-chose quand on constate avec quelle distance les esprits dérangés de la ligue du LOL prennent les choses devant la plainte lancinante des victimes qu'ils ont esquintées en les serinant de leurs conneries gratuites, bêtes et méchantes.

Ce qui rend les choses compliquées avec tout ça, c'est que la perte de sens moral est une chose qui s'observe un peu partout, et tellement un peu partout qu'on pourrait être tenté de considérer l'affaire de la ligue du LOL pour plus grave que les soubresauts de la société toute entière devant les errements et les cafouillages que nous montrent nos dirigeants les plus éminents.

Ce qui rend la morale relative, c'est qu'elle est une chose assez intimement définie pour chacun, à l'intérieur de sa propre conscience, là où l'éthique serait plutôt le cadre commun à tout le monde.

Et l'éthique de nos jours, c'est franchement toc. Le sens moral des gens qui devraient faire référence, étant situés dans la société plus ou moins au-dessus des autres, est souvent très approximatif. On écrase volontiers de quelques bons mots ou de saillies vengeresses les gens qui ont peu de possibilités de se défendre et de s'en sortir un peu mieux que le "minimum syndical". C'est allègrement devenu un monde déshumanisé dans lequel les réseaux sociaux sont un catalyseur de plus, mais ils ne sont que le reflet de ce que sont devenues les relations humaines, souvent plus révélatrices de la loi du plus fort que des exigences de partage et de bienveillance qui devraient conduire au progrès humain.

On peut stigmatiser les principaux acteurs de la ligue du LOL autant qu'on voudra, jusqu'à les licencier de leur postes, pourquoi ne le fait-on pas quand Benjamin Griveaux s'essuie les pieds sur ceux qui fument des clopes et roulent au diesel, ou Bernard-Henri Lévy réduit les gilets jaunes à la montée en puissance des fachos ?

Et encore, c'est de la petite bière devant bistouquet et ses sorties piteuses sur les français d'une sorte ou d'une autre, alors que le Chef de l’État devrait faire montre d'adresse et d'expertise à être et rester le président de tous les français sans autre forme de jugement que ce qui confère par principe à la République des vertus d'égalité, de fraternité et de liberté.

Dans le "double assassinat dans la rue Morgue", Edgar Poe confie à son personnage, Auguste Dupin, la mission de résoudre une affaire que la police ne parvient pas à éclaircir.

Edgar Poe fait dans son livre une forme d'apologie au sens de l'analyse dont l'esprit humain est capable. On devrait vraiment faire quelque chose pour revitaliser l'esprit de beaucoup de gens, et tenter de réconcilier Victor Hugo, Edgar Poe, et tant d'autres, moi compris, avec la signification profonde de ce que pourraient être éthique et morale afin de ne pas risquer de trépasser parce qu'un dresseur laisse échapper son orang-outang.

LOL

Et si il devait se produire que l'un.e ou l'autre d'entre vous attribuent cette allégorie simiesque à un personnage vivant et ayant occasionné des atteintes à l'intégrité physique ou mentale de qui que ce soit, libre à vous. Je n'ai pas dit que Benalla, un harceleur idiot, un policier lanceur de GLI-F4 ou un manifestant casseur de vitrines ou fracasseur de CRS étaient comparables à des orang-outang, ces derniers sont bien plus humanisés que les crétins mentionnés.

Il suffit de regarder comment pleure un orang-outang devant la forêt saccagée qui lui servait de havre de paix, brûlée par de sinistres pauvres qui enrichissent de sombres salopards, pour comprendre combien les êtres vivants les moins armés contre la bêtise humaine sont émouvants quand on leur pique ce qui leur reste.

Ceci étant, il y a de sombres salopards qui ont le sens de l'à-propos, et qui n'oublient pas trop vite les leçons de la veille. C'est ainsi que les ministres se sont fait renvoyer dans leurs cabinets par Son Émanation alors que ça bouillait sous les chapeaux au sujet de ces prochaines hausses de taxes ou d'impôts qu'on pourrait oser pour renflouer l'abyssal précipice budgétaire dans lequel l’État est en train de plonger.

Et comme ce ne sont pas les succès de l'économie libérale à travers le Monde qui vont changer la donne, on peut s'attendre à une ambiance rock’n’roll dans les mois qui viennent sur la scène internationale, européenne, et française. Les nuages spéculatifs ne cessent de se confirmer, malgré plein de succès boursiers affichés d'un jour à l'autre, on voit les résultats des performances sur les marchés très agités. Du coup, la principale préoccupation de tout le monde ne sera plus, très prochainement, la hausse des taxes ou du pouvoir d'achat, mais l'éventualité de permettre à un nombre croissant de gens de continuer de bouffer et de vivre dans la douce quiétude d'un chez soi durable, bien plus que de savoir si la transition écologique est une chose urgente.

Et si on a un ministre en charge de ce dernier sujet qui est convaincu de la consistance de la matière écologique, quand bien même on se demande ce qu'il défend vraiment, et même ce qu'il fout dans un gouvernement qui s'en cogne comme de l'an quarante, le ministre, lui va finir par convaincre qu'il n'est pas toujours si consistant que ça. Son petit diner de cons avec, entre autres invités, le sieur Denis Baupin a fait grimper l'adrénaline de pas mal de gens.

Rugy se défend d'avoir invité Baupin autrement que par pur formalisme, ça n'enlève pas le côté très malvenu d'un pince-fesse avec celui qui désormais fera pour longtemps figure de gros dégueulasse avec en prime la déconcertante mauvaise foi d'un olibrius qui ne s'excuse pas d'avoir été à la fois bête, méchant et épouvantablement manipulateur.

Denis Baupin a t-il tenté le tout pour le tout en assignant victimes et témoins en justice après avoir été accusé de toutes les vicissitudes du prédateur sexuel décomplexé ? Saura t-on un jour ce qui se passe dans l'esprit d'une personne qui a pu approcher les ors de la République de si près, tout en se comportant comme un grand malade, plaçant Strauss-Kahn au rang de petit joueur ?

Le procès en diffamation qu'il a porté lui revient dans la figure bien plus douloureusement qu'un boomerang, faisant au passage des dégâts supplémentaires pesant sur les personnes qui voulaient lui accorder encore un semblant de confiance.

Le procès d'une affaire qui ne peut être jugée en raison de la prescription des faits, la contre-offensive portée par Denis Baupin en diffamation tombe à l'eau, et on en arrive à la reconnaissance de la consistance des faits reprochés à Denis Baupin sans pouvoir en conclure autre chose que la déchéance morale dont il est désormais paré. L'élément le plus notable qui reste de tout ce gâchis, des drames personnels occasionnés par un harceleur sexuel impénitent, c'est la distance astronomique entre la seule chose qu'il reconnaît, des jeux ... et la profonde douleur réveillée pour ses victimes, malgré le nombre des années écoulées.

Et le sentiment pour beaucoup de gens de comprendre combien sont fragiles les plus éminents représentants de la société.

Fragilité qui peut prendre toutes sortes de formes, mais qui le plus souvent relève d'un appétit un peu trop féroce pour des choses qui devraient être consommées avec modération.

L'appétit d'un Sarkozy ou d'un Macron pour le chocolat est une chose bien ordinaire, quand il s'agit de passer à la caisse c'est plus inquiétant. Sarkozy finira t-il par payer de son vivant un affairisme incroyable ? Et Macron ? Et Macron qui semblerait presque mesuré si on n'y prêtait pas quelque attention.

Comment expliquer cet incroyable roman Benalla, avec tous ces tripatouillages qui remontent à la surface, jusqu'à nous montrer clairement qu'on arrondit les fins de mois sous les yeux du chef de l’État en bidouillant avec les russes pour faire s'évader des euros au Maroc ?

Macron perd ses meilleurs conseillers et collaborateurs au fil du temps, et c'est désormais "Isma" qui se barre bientôt. Il s'excuse de démissionner en raison d'une envie pressante de publier un bouquin. Grand bien lui fasse d'écrire des livres. On aurait promis, juré, craché, en début de mandat présidentiel de ne pas sortir de bouquin pendant l'exercice de la mission de conseiller à l’Élysée. Soit.

Le départ d'Ismaël Emelien préfigure non pas un succès de librairie, mais un risque imminent de mise en examen, ce qui est beaucoup moins romantique pour le storytelling.

Le tout en pleine campagne de reconstruction d'une majorité présidentielle qui patine et peine à surmonter les errements d'un exécutif abracadabrantesque. L'épisode gilets jaunes fait semblant de s'éterniser, le mouvement n'a plus rien à voir avec l'idée de départ d'un élan populaire et apolitique et toutes les récupérations ont été tentées pour faire rentrer quelques leaders dans les rangs, avec plus ou moins de succès, et Macron occupe le terrain à grands frais pour montrer combien lui, et lui seul, est capable de renouer avec le peuple, enfin avec les représentants du peuple, enfin avec des gens triés sur le volet, on ne sait jamais.

Le truc le plus éminemment politique associé à cette remise en campagne, mais aux frais de l’Élysée, est l'envoi de ministres chez Hanouna, grand analyste politique devant l'éternel.

Avec, cerise sur le gâteau, la montée dans les "charts" des personnalités politiques les plus éminentes ... Marlène Schiappa. L'extraordinaire performance de cette grande érudite en sciences humaines lui permet d'être classée "révélation politique de l'année" et introduite parmi les "leaders mondiaux de moins de 40 ans".

Ce qui en fait l'égale de Macron qui obtint les mêmes distinctions en 2016 !

Dire qu'il y a des gens qui doivent attendre, longtemps, très longtemps, avant d'être reconnus pour être des personnes méritantes. Prenons Juppé. Il fut premier ministre, de Jacques Chirac. Mais si ses qualités politiques sont plus ou moins reconnues, il n'en a pas moins été très controversé, et d'aucuns disent qu'il doit cette réussite de carrière à une fidélité sans borne envers son mentor, et son acceptation d'endosser des tracas concernant des emplois fictifs à la mairie de Paris pour éviter au bon dieu d'être ennuyé pour des détails séculiers.

Donc Alain Juppé, aussi remarquable soit-il a pour apogée de carrière le rôle de lampiste.

Et c'est tout récemment qu'on veut le récompenser pour cette brillante carrière en lui proposant une place au Conseil Constitutionnel, sur proposition de Richard Ferrand. Quel beau monde que celui des copains de toujours. On en a connu qui finissaient par se déchirer le portrait au bout de 30 ans, d'autres finissent par devenir amis sincères après le même temps.

Ainsi va la vie.

Et pendant ce temps-là, Blanquer va ajouter sa touche personnelle aux limitations et privations de libertés qui s'amoncellent, en voulant imposer un délit d'opinion. Sous le doux euphémisme d'exemplarité des membres de la communauté éducative, il aimerait qu'on puisse sanctionner des «faits portant atteinte à la réputation du service public». Jean-Michel Blanquer, qui promettait à qui voulait l'entendre «Il n’y aura pas de loi Blanquer, j’en serai fier.» en mai 2017 fait un peu comme tout le monde, il a changé d'avis et voudrait pouvoir montrer de quelle autorité il est capable. Ça risque de compliquer les relations entre les enseignants et le ministère tout ça.

Mais au moins, on sait que Blanquer n'a plus de fierté. C'est toujours une bonne information à noter.

Et hier soir c'était au tour d’Édouard Philippe de faire le service après-vente de l'exécutif, il passe à la télé, il va pouvoir remonter un peu dans les sondages. Son hommage soutenu à Alain Juppé, aux députés, enfin à tout ce qui peut faire en sorte que son job soit le moins chiant possible permet de comprendre sa soif de reconnaissance. Il répondait sur le plateau de la "Grande explication" à une dizaine de français sur tous les sujets. C'est moins performant que Macron qui arrive à prendre des cinq ou six cents personnes en même temps, mais le côté plus intimiste convient bien à Édouard Philippe qui est une personne posée. D'ailleurs il est si bien posé que rien n'y fait, il semble indéplaçable, il ne peut pas bouger les lignes. C'est chez lui une impossibilité totale.

Il défend mordicus le principe de la démocratie représentative en opposition avec une variante à laquelle aspirent finalement beaucoup de gens, et sa sortie récente sur le RIC (référendum d'initiative citoyenne) qui le hérisse est à la fois un joli jeu de mot et une fin de non-recevoir.

Ce qui prouve qu'on a un premier ministre qui n'est pas sinistre mais totalement obtus aux débats en cours.

Avec tout ça, on comprend pourquoi il y a de l'eau dans le gaz entre les deux têtes de l'exécutif, Macron vendrait père et mère pour rester au pouvoir, Philippe, lui aurait plutôt tendance à pratiquer la location.

Bon, hier soir, Édouard Philippe faisait son service après-vente, pas celui du président, le président c'est celui qui coûte, le premier ministre celui qui rapporte. Dans un cas comme dans l'autre, on comprend bien c'est qui qui paye, mais on comprend aussi que si la politique qui est conduite actuellement nous laisse autant un arrière goût pas très sympa, c'est surtout parce que tout ce qu'on paye ne suffit pas à alimenter tout ce qu'il faut dépenser pour les gens et le pays à la fois.

Dans le débat d'hier soir, Édouard Philippe explique que le coût de fonctionnement de la présidence, du parlement et du gouvernement ne représente qu'un millième de la charge totale des taxes et impôts. Ce qui indique clairement que ce n'est pas sur cette partie des dépenses qu'il faut chercher à faire des économies. C'est un fait, et c'est totalement vrai.

Là où ça se complique un peu dans le raisonnement, c'est quand on regarde ce que font les pouvoirs publics avec l'argent qu'on leur confie. Pour les dépenses de santé, d'éducation, de pensions de retraite, c'est bien d'essayer de répartir au mieux ce qui est versé par les français. Mais le gros soucis qu'on a depuis quelques années, c'est surtout que l'un dans l'autre, tout le monde voit bien que les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent et qu'on finance de plus en plus l'économie des entreprises sans contrepartie en termes d'emplois, ou si peu.

Il n'est pas suffisant, ni honnête d'affirmer dogmatiquement qu'on paye trop de taxes et d'impôts, il serait préférable de regarder plus précisément à qui ils permettent de vivre le mieux, qui en paye proportionnellement le plus ... ce qui pourrait donner une lecture un peu différente de cette charge supposée être insupportable en taxes et en impôts.

Il fut un temps où on pouvait compter sur les services fournis aux français, en matière d'éducation, de santé, de sécurité civile et militaire, de fourniture d'énergie, de réseaux de transports et de communications, et le prix que ça coûtait était acceptable puisque tout le monde avait un "retour sur investissement" plus ou moins égalitaire. Est-il responsable d'affirmer qu'il faut diminuer les taxes et les impôts, et donc de diminuer ou supprimer des services à la population ?

Était-il responsable de diminuer en priorité les taxes et les impôts pesant sur les entreprises et les plus fortunés des particuliers et de vouloir faire peser, donc, et par conséquent plus lourdement sur le plus grand nombre, les charges de l’État ?

Édouard Philippe n'est pas un mauvais gestionnaire. Il est par contre un serviteur d'une cause mal ficelée, qui consiste à vouloir démontrer que le pays dépense trop d'argent pour les services proposés à sa population. Alors qu'il serait tellement plus simple de prendre le problème par l'autre bout en expliquant que la population ne gagne pas assez d'argent pour faire face à l'ensemble de ses besoins.

Cause d'autant plus mal ficelée qu'il diverge fondamentalement sur un point avec le président de la République, il n'était pas de son intention d'endetter encore plus le pays, et il est contraint de le faire depuis quelques temps pour éviter une déculottée à Macron.

Mais c'est un aveu impossible pour Édouard Philippe. Le quinquennat Macron va coûter encore plus cher que le quinquennat Sarkozy à ce train, c'est le prix à payer pour cause d'amateurisme présidentiel.

C'est le prix à payer pour une politique qui ne fait pas d'économies supplémentaires, parce que c'est pratiquement impossible d'en faire plus tellement ça pète de partout, et qui n'investit plus dans rien de sérieux depuis pas mal d'années. Le meilleur moyen de sortir d'un cercle vicieux est de le briser. Et briser le cercle de l'appauvrissement industriel et commercial du pays consisterait à injecter des fonds importants sur des projets industriels, par exemple, sous forme d'emprunts dont on pourrait tirer une croissance de richesse à terme.

Une politique industrielle de conversion du mix-énergétique, c'est un thème parmi d'autres, pourrait permettre à terme de convertir en richesses nouvelles les investissements d'aujourd'hui. Tout comme une politique environnementale pertinente permettrait de diminuer le poids de la santé en offrant une meilleure qualité de vie, une alimentation plus saine, par exemple. Et une politique de sécurité plus agile et bienveillante, combinée à un aménagement du territoire pertinent offrirait de meilleures opportunités de paix intérieure.

La paix sociale est un investissement. Si on fait un peu l'analyse du coût de la crise des gilets jaunes, on comprend assez bien qu'on aurait été plus avisé de l'éviter en ne pratiquant pas une politique exacerbant les fractures existantes.

Pourquoi le cap politique entretenu depuis des lustres ne parvient-il pas à conjuguer mieux ce qui pourrait faire d'un pays comme la France une entité plus prospère ? C'est une sorte d'énigme que personne ne parvient vraiment à résoudre. En tout cas pas les exécutifs qui se sont succédé depuis plusieurs dizaines d'années et qui ont ouvert boite de pandore et gouffres à pognon sans tenter de construire des investissements utiles.

Pourquoi voit-on, depuis des dizaines d'années, le revenu produit par le travail des gens baisser en valeur relative, pendant qu'augmentent les revenus financiers, spéculatifs, pendant que ce qui rapporte le plus d'argent est l'argent lui-même, et sur ce point pour quelle raison doit-on accepter le dogmatisme d'un président qui y voit la source possible d'une amélioration du quotidien des gens alors même que tout démontre que c'est le contraire qui se produit ?

Il est évident que nous sommes devant des choix politiques avec lesquels on peut être d'accord ou pas. D'accord si on a l'opportunité d'accumuler des richesses à titre individuel, et pas d'accord si on ne peut que voir passer les trains sans avoir la possibilité de monter dedans.

La redistribution est-elle suffisante ? Elle le fut sans doute, elle ne l'est plus depuis assez longtemps. Et si depuis plus de quarante ans le pays s'endette, on ne peut pas en faire le reproche aux gens, qui ne sont pas responsables par leurs décisions des errements induits par les décisions prises par les gouvernements.

Conduire la politique d'un pays est une chose qui implique des choix de long terme qui ne devraient pas permettre qu'aujourd'hui on dépense plus pour reconstruire des biens communs qui ont été supprimés avant. On mesure, par exemple, le sens d'un tel constat sur les réseaux de transport. On cherche à rééquiper des transports en communs qui existaient et qui ont été supprimés à l'époque où le "tout voiture" faisait plaisir à la croissance ... sauf que !

Tout ceci ne donne pas une très bonne perspective de réussite pour le gouvernement actuel, qui n'a dans tous les cas, pas les moyens de réussir à investir, puisque pour investir le premier ministre considère qu'il faut attendre de réduire le déficit, et partiellement la dette. Ce qui est aujourd'hui une perspective qui s'éloigne en raison d'une part de la conjoncture économique internationale, et d'autre part des erreurs premières commises sous l'impulsion de Macron, qui a poursuivi et amplifié le soutien économique aux entreprises et qui n'a toujours pas fait son mea-culpa sur l'évasion / optimisation fiscale.

On constate, avec l'affaire Carlos Ghosn, qu'il y a quelque chose de pourri dans la manière d'appréhender la redistribution chez les "nantis". C'est un exemple, et il y en a tellement d'autres qui valent largement celui-là.

L'idée, au fond, n'est pas de spolier les gens qui gagnent beaucoup d'argent, tant mieux pour eux, mais c'est quand même de ne pas accepter qu'ils accumulent encore plus sans en reverser une partie proportionnellement significative dans le pot commun.

L'idée au fond, c'est de reconnaître qu'on a un gros problème d'adéquation entre le serment républicain de pourvoir à ce que chaque personne active puisse obtenir un revenu honnête d'un travail honnête, et le compte n'y est plus du tout. Alors que s'opposaient les tenants du travailler plus pour gagner plus et ceux du travailler moins pour mieux partager, ça remonte à plus de dix ans, le pays n'a pas encore réussi à s'avouer qu'en vérité on ne peut pas faire travailler tout le monde quarante heures par semaines, ni même plus trente cinq contre des salaires suffisants pour vivre, ceci alors même que la richesse produite chaque année par le pays continue de croître.

Le courage politique est de reconnaître et d'affirmer qu'il faut partager mieux à la fois le travail et les revenus pour parvenir à ce que la population vive de manière plus harmonieuse, ce qui permettra de relever ensuite le défi d'un budget de l’État plus équilibré et d'une réduction de la dette.

De tout ceci, Édouard Philippe ne fait pas état pour indiquer qu'il aurait une idée de la politique à conduire qui changerait les choses dans le bon sens. En tout cas, il est certain qu'on ne peut pas changer les choses en diminuant les revenus des gens, satisfaisant ainsi l'industrie, le commerce, la finance, parce que l'industrie, le commerce et la finance ne tournent jamais si bien que lorsque les consommateurs sont plus aisés.

N'est-il pas tellement simple de comprendre que la relance économique passe par la relance de la consommation, et donc le relèvement significatif du pouvoir d'achat ?

Et il est dommage qu'aujourd'hui, pour permettre de soutenir l'emploi on soit systématiquement en train de débattre sur les exonérations de charges, parce qu'au fond ce n'est pas le vrai problème. Depuis qu'on pratique les exonérations de charges, de taxes, d'impôts, voit-on réellement la situation économique individuelle des français s'améliorer uniformément pour tout le monde ? Certainement pas. Peut-être est-il plus urgent d'arrêter de faire de la casse sociale pour tenter de sauver des meubles et tout simplement travailler à remettre à un niveau approprié le prix des choses. Est-il normal de laisser une libre concurrence dénaturer la valeur du travail produit, aboutissant ainsi à toutes les délocalisations qui ont conduit à la diminution du niveau d'emploi ?

Ce sont là les vrais sujets sur lesquels le premier ministre n'a pas de réponse, non pas qu'il n'ait pas les compétences pour en proposer, mais sa feuille de route ne permet pas de proposer de solution.

Il est donc plus que probable que les semaines et les mois qui viennent n'apportent pas de changements sous la conduite du binôme Macron-Philippe. On a beau retrouver ces jours-ci, avec les débats, les tentatives de renouer avec les français, un semblant de vie démocratique, il n'en reste pas moins que si des solutions existent, elles ne font pas partie des clefs utilisées par le gouvernement.

Problème de convictions, capacité d'analyse prise en défaut ? Devons-nous appeler Auguste Dupin et son sens de l'analyse à la rescousse ?

Faire de la politique c'est anticiper. Et anticiper ce n'est pas seulement lire les statistiques du passé, c'est aussi analyser le présent et faire des extrapolations sur l'avenir. Pouvait-on imaginer il y a cinquante ans qu'un accident nucléaire majeur comme Tchernobyl ou Fukushima surviendrait ? Sans doute. Pouvait-on envisager le coût réel et concret de tels accidents ? Probablement pas très bien. J'évoquais sur une revue de presse antérieure l'estimation de coût retenue, aujourd'hui, pour des accidents d'une telle ampleur, en centaines de milliards d'euros.

Je mentionnais plus haut, ici, le coût, en matière de santé, induit par les pratiques entretenues dans l'industrie alimentaire. C'est un peu compliqué d'estimer le prix des pratiques néfastes en matière de santé et d'hygiène alimentaire. Mais si on regarde les choses en face, et en prenant l'exemple particulier, mais tellement révélateur du refus d'interrompre toute utilisation du glyphosate, on peut assez facilement imaginer que le nombre de personnes en mauvaise santé, ou qui décèderont après des soins coûteux, en raison de l'intoxication systématique des populations par les produits dont il est reconnu qu'ils sont dangereux pour la santé est d'un poids global comparable au scandale de l'amiante.

Toutes proportions gardées, le débat sur la dangerosité du glyphosate n'est pas clos. Mais on sait toutefois qu'il est effectivement néfaste, au moins pour les personnes qui le manipulent directement, et ça c'est un point indiscutable. Ce qu'on sait moins bien c'est la portée des éventuels effets sur les consommateurs de produits cultivés sur des terres traitées avec du glyphosate.

Jusque-là on est dans le questionnement, avec des gens qui souhaitent qu'on cesse d'utiliser des produits potentiellement dangereux et d'autres qui soutiennent que le danger n'est pas consistant.

Il y a toutefois un truc qui ne va pas dans le monde réel ... pas celui des suppositions. Les taux de glyphosate tolérables pour rester hors d'atteinte pathologique sont de plus en plus fréquemment dépassés, lorsqu'on analyse les urines de personnes qui souhaitent vérifier la chose. Ce ne sont pas des analyses qu'on fait de façon habituelle, mais il y a un courant d'opinion, et des gens qui font vérifier ça.

Et dans les nouvelles du moment, on trouve un témoignage d'une personne qui, ayant une culture sensible aux questions écologiques, s'alimente particulièrement en produits bio. Et son analyse récente à permis de trouver un taux de glyphosates plus de trente fois supérieur à la limite autorisée dans l'eau potable. Autant dire que c'est beaucoup. La moyenne des plus de cent personnes qui se sont fait analyser récemment, dans le cadre d'une campagne militante, montre des taux plus de dix fois supérieurs à cette limite.

Ce qui démontre que le glyphosate, et seulement le glyphosate étudié, se répand dans toute la chaîne agro-alimentaire, environnementale.

C'est la première partie de l'explication. Et elle débouchera sans aucun doute possible sur un poids économique en matière de santé publique. Quel poids ? Difficile de le prédire. Mais si on constate une multiplication des problèmes de santé pouvant être liés aux glyphosates ainsi qu'à toute un ensemble de molécules pressenties ou démontrées pour avoir des effets sur la santé, on imagine très bien ce que pourrait être le prix à payer pour la collectivité, outre la peine des personnes atteintes dans leur santé.

Il s'agit de prendre le coût moyen de telle ou telle pathologie et de le multiplier par le nombre de personnes atteintes. On parle très vite dans ce genre d'analyse de centaines de millions d'euros, ou plus.

Dans le même temps, on favorise, par le maintien d'une agriculture industrialisée, les grandes exploitations, fortement mécanisées, utilisant à la fois des produits chimiques éventuellement suspects, et éventuellement des variétés de semences achetées à des producteurs de semences qui rendent immédiatement la chaîne de production dépendante à eux.

On accepte de valider de cette manière des exploitations qui n'emploient que très peu de personnes, pendant que nombre de petits exploitants tirent la langue à essayer de produire du bio en gagnant des clopinettes.

On peut compter les souffrances des petits exploitants, qui y perdent la santé, quand ils ne perdent pas prématurément la vie par choix d'en finir ... ce qui peut paraître s'éloigner du sujet, mais pas tant que ça.

Le coût de la maltraitance infligée aux agriculteurs modestes a t-il été estimé ? Fait-on peser ce coût sur les responsables de cette maltraitance que sont les industriels de l'agro-alimentaire, ainsi que les circuits de transformation et de distribution qui pressent le citron de toute la filière agricole ?

Quand on paupérise une population de travailleurs, les agriculteurs, qui peut compter un bon million de paires de bras, qu'on affecte l'équilibre, l'hygiène de vie, la santé des gens, pour simplement produire plus en se fatiguant moins, et en employant in fine pratiquement personne hormis le personnel du concessionnaire en machines agricoles, ça a un coût.

De ça, les gouvernements successifs depuis tellement longtemps s'en sont toujours complètement tamponnés, et il est désormais normal de bouffer du glyphosate en bout de chaîne jusqu'à en pisser plus que de raison. Ce qui a un impact sur l'économie du pays en termes de santé, d'emplois, et de richesse nationale.

Faire de la politique c'est analyser, prévoir, anticiper. Visiblement on manque un peu de tout ça avec nos dirigeants politiques du moment. Et ce n'est pas exclusivement un défaut de ceux qui sont au pouvoir actuellement.

Bon, Édouard Philippe ne nous a rien appris hier soir, en tout cas pas qu'il pouvait redresser la situation du pays, ni améliorer les conditions d'exercice de la démocratie. Et puis comme ça me donne un certain plaisir de montrer qu'on n'est pas gouvernés par des gens bien, je vous mets deux articles choisis, parce que la théorie c'est une chose, mais en pratique ? Ils foutent quoi au gouvernement ?

On les paye pas à rien foutre quand même ! Parce qu'un chou c'est un chou comme on dirait chez nous.


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L'administration d'Elisabeth Borne a, pour la
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une étude d'impact de loi. - Eric FEFERBERG / AFP
Le gouvernement a sous-traité la préparation de sa prochaine loi sur les transports à un cabinet d'avocats. Une initiative inhabituelle qui a abouti à un résultat médiocre malgré l'argent public qu'elle a coûté. Récit.

L'affaire avait tout pour passer inaperçue. Difficile, a priori, de se passionner pour une histoire d'étude d'impact de loi d'orientation sur les transports, qui mêle jargon administratif et technicité juridique. Préciser que les parties prenantes sont la direction des infrastructures du ministère de la Transition écologique, un cabinet d'avocats anglo-saxon et le Conseil d'Etat, n'aide pas à soulever davantage les passions. Et pourtant, la pièce jouée entre ces trois acteurs tout au long de l'année 2018 constitue l'un des ratés les plus spectaculaires de l'esprit start-up nation, encouragé par Emmanuel Macron depuis sa prise de pouvoir. Ou comment la conviction de la supériorité du secteur privé peut aboutir… à un gâchis d'argent public. Quelque 42.000 euros en l'occurrence, pour un projet de loi finalement étrillé avec virulence par le Conseil d'Etat, autorité administrative suprême du pays. Cette tragi-comédie relate aussi le tout petit monde parisien dans lequel évoluent certains ministres, hauts fonctionnaires et avocats. Au point qu'on retrouve parmi les protagonistes de cet imbroglio inédit… Dorothée Griveaux, qui n'est ni plus ni moins que la sœur du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.

Tout commence en janvier 2018. Le gouvernement d'Edouard Philippe décide de lancer un appel d'offres pour sous-traiter à une entreprise l'exposé des motifs ainsi que l'étude d'impact de sa future loi sur les transports, moyennant 30.000 euros hors taxes. Dans le langage alambiqué de la haute administration française, cela signifie que l'argumentaire du gouvernement sur cette loi va être délégué à une société privée. Du jamais-vu. Emoi dans les rangs de l'opposition parlementaire, où on voit l'initiative comme une manière de se défausser de la mission principale du gouvernement. "Confier l'exposé des motifs d'une loi à une personne privée, c'est inadmissible. S'il y a un acte politique et qui doit être assumé comme tel, c'est celui-là", grince auprès de Marianne le sénateur Jean-Pierre Sueur, auteur d'un rapport sur la qualité des études d'impact, en février 2018.

Pas de sous-traitance, jure le cabinet Borne...

Au-delà du renoncement politique, cet étrange auto-dessaisissement pose des questions sur la gestion des deniers publics. N'existait-il pas de solution interne à la fonction publique pour rédiger l'exposé des motifs et l'étude d'impact ? Le ministère de l'Ecologie compte 57.000 fonctionnaires, dont de nombreux énarques. L'usage est de les faire travailler, en s'appuyant si besoin sur des hauts fonctionnaires d'autres administrations momentanément mis à disposition et surtout, sur le secrétariat général du gouvernement, composé des meilleurs juristes de la fonction publique. Le guide méthodologique des études d'impact, édité par le gouvernement, explique d'ailleurs que "le ministère porteur du projet de loi élabore l’étude d’impact. Il apprécie dans quelle mesure doit être sollicité le concours d’autres administrations" et que "le département de la qualité du droit du secrétariat général du Gouvernement apporte un soutien méthodologique au ministère porteur". Il n'est même pas question de l'exposé des motifs, évidemment toujours réalisé par le ministre avec l'aide de son cabinet.

Contacté par Marianne, le cabinet d'Elisabeth Borne, ministre déléguée aux Transports auprès du ministre de l'Ecologie, jure qu'il n'a jamais été envisagé d'externaliser l'exposé des motifs : "S’agissant de l’exposé des motifs, il n’a jamais été question qu’il soit élaboré par un tiers extérieur. Cela n’aurait de toute façon absolument aucun sens d’imaginer qu’un tel document, politique par nature, pourrait être « sous-traité » à un tiers extérieur". On nous explique qu'il s'agissait plutôt "d'une assistance technique à la mise au point des documents nécessaires à la présentation de la loi, et visait en l'occurrence à établir une synthèse des éléments de référence de la loi".

Le contenu de l'appel d'offres, que Marianne s'est procuré, paraît pourtant montrer le contraire. Le contrat initial comprend bel et bien la réalisation d'un exposé des motifs : "La tranche ferme comprend (la) rédaction d’un projet d’exposé des motifs de la loi", peut-on lire en page 14. Il s'agit même de la première mission dévolue au prestataire qui sera choisi. Charge ensuite à la direction des infrastructures du ministère de l'Ecologie de retenir ou pas ce travail. L'appel à candidatures précise même clairement ce qu'il entend par "exposé des motifs" : "Cet exposé des motifs ne doit, en aucun cas, être une paraphrase du texte du projet de loi : il indique de manière simple et concise, les raisons pour lesquelles ce projet est soumis au Parlement, l'esprit dont il procède, les objectifs qu'il se fixe et les modifications qu'il apporte au droit existant". Soit précisément la justification politique du texte. Cette mission est tout sauf anecdotique… ce que rappelle d'ailleurs le ministère de l'Ecologie dans son offre : "(l'exposé des motifs) constitue l'un des éléments des travaux préparatoires d'une loi, auquel le juge peut se référer en cas de doute sur les intentions du législateur". La tâche prévue dépasse donc largement le cadre d'une simple synthèse technique, pour laquelle il serait d'ailleurs difficile de comprendre qu'on ait recours à un prestataire extérieur à la fonction publique.

"Une première", confirme le cabinet gagnant

En parallèle, le marché public comprend également une réalisation de l'étude d'impact du projet de loi, à travers notamment une "évaluation de l’impact, par mesure ou ensemble cohérent de mesures : conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, coûts et bénéfices financiers attendus pour les administrations publiques et les personnes physiques et morales intéressées, conséquences sur l'emploi public". Auprès de Marianne, l'entourage de la ministre des Transports justifie ce recours par la spécificité de la loi Mobilités, qui aborde de nombreux sujets différents. "Le projet met en jeu des questions qui ne sont pas forcément le cœur de métier des services du ministère : les finances publiques, la réglementation, la vidéosurveillance, beaucoup de calculs. Il peut être précieux de s'appuyer sur des compétences extérieures. Tout cela est finalement un grand classique". Un argument discutable : si le recours à des prestataires pour des études d'impact est banal de la part de collectivités territoriales, qui ne disposent pas toujours d'une administration suffisante, plusieurs interlocuteurs, hauts fonctionnaires comme avocats, nous ont confié n'avoir souvenir d'aucun précédent concernant un projet de loi du gouvernement. "C'est une première", nous confirmera d'ailleurs le cabinet vainqueur de l'appel d'offres.

Après l'attribution du contrat, le contenu de celui-ci va toutefois être modifié. Dans une "mise au point", le ministère de l'Ecologie explique que le cabinet qui remporté l'appel d'offres devra finalement préparer "un projet de synthèse des éléments de référence de la loi", et non plus un exposé des motifs à proprement parler. Il faut dire qu'entretemps, un article caustique du Canard enchainé a pointé l'étrangeté de cette initiative… Surtout, un cabinet d'avocats anglo-saxon, Dentons, l'a emporté, notamment grâce à son offre sur l'exposé des motifs. C'est ce qu'il ressort des correspondances entre l'Etat et les candidats - Dentons ainsi que le cabinet Espelia, spécialisé dans le "conseil en gestion des services publics" -, auxquelles nous avons eu accès. Le 26 janvier, la représentante du ministère de l'Ecologie écrit à Espelia - qui a finalement perdu le contrat - pour contester le devis du cabinet de conseil concernant "la rédaction du projet d'exposé des motifs" de la loi, trop cher au goût du ministère : "Vous proposez au total 28 jours de consultants pour un montant total de 32.500 euros hors taxes. Pouvez-vous expliquer votre estimation des moyens nécessaires (…) pour réaliser cette prestation ?".

A l'inverse, ce point ne paraît pas poser problème concernant Dentons, qui a finalement remporté le marché. Ce sont cette fois les points techniques de l'étude d'impact - ceux-là mêmes mis en avant par le cabinet d'Elisabeth Borne pour justifier le recours à un prestataire extérieur - qui inquiètent le ministère. "Je sollicite des précisions sur les références que vous nous avez indiquées dans votre mémoire technique. Ces références sont orientées vers le droit public contractuel. Des références sur des prestations plus proches de l'objet du marché seraient pertinentes", écrit le 26 janvier la cheffe de service de la direction générale et de la stratégie du ministère.

"Dorothée Griveaux, une petite star"

Le cabinet Dentons, dans son ensemble, est loin d'être spécialisé dans le droit public. Sur les quelque 129 avocats que compte son bureau de Paris, seuls trois exercent dans cette spécialité, comme nous l'indique la direction de la communication du cabinet : "Nous sommes trois en droit public, c'est vraiment peu". Parmi ces trois avocats, Marc Fornacciari, par ailleurs directeur de l'ensemble du bureau de Paris, est en revanche un professionnel reconnu du droit des transports. Enarque, ancien membre du Conseil d'Etat, il fait partie des dix ténors français de la spécialité, selon le site "Legal 500". La ministre Elisabeth Borne a déjà eu affaire à lui, puisqu'il est également le conseil du groupement Keolis/RATP Développement, cette dernière entreprise étant une filiale à 100% de la RATP, dirigée jusqu'en 2017 par… Borne Elisabeth.

Le nom de sa principale collaboratrice en droit public est lui aussi connu des plus hautes instances de l'Etat. Il s'agit de Dorothée Griveaux… sœur du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux. Interrogé, le cabinet Dentons convient que Dorothée Griveaux a "donné un coup de main" sur l'étude d'impact, mais "moins de quinze heures". De là à faire un lien avec l'obtention du marché ? "Dorothée Griveaux est une petite star du droit public mais ça ne veut pas dire qu'elle a eu un rôle à jouer dans la procédure", prévient un avocat, bon connaisseur du milieu. En effet, rien n'indique que la sœur du secrétaire d'Etat a joué quelque rôle que ce soit dans l'obtention de ce contrat. Le cabinet d'Elisabeth Borne précise que "ce marché de prestation a été commandé par l’administration et pour le compte de l’administration (DGITM)" et que "ce n’est ni une prestation à la demande ni pour le compte du cabinet de la ministre". L'entourage du porte-parole du gouvernement abonde : "Benjamin Griveaux a découvert cette histoire par le Canard enchaîné et par Le Monde (qui n'ont pas fait mention de sa sœur dans leurs articles, ndlr.). Il n'a évidemment rien à voir avec cette étude d'impact". L'implication de Dorothée Griveaux illustre peut-être tout simplement l'étroitesse du microcosme parisien dans lequel évoluent certains politiques, hauts fonctionnaires et avocats.

Dentons affirme que le projet a été "en grande partie" porté par un troisième collaborateur, Nicolas Vital, spécialisé dans les contrats publics, qui aurait travaillé "150 heures" sur le dossier. Le dossier du marché, consulté par Marianne, montre effectivement que c'est Nicolas Vital qui a fait office de correspondant de Dentons auprès du ministère.

Quelle plus-value pour l'Etat ?

Si on comprend l'intérêt pour Dentons d'un tel contrat, notamment en termes de renommée - le cabinet reconnaît d'ailleurs qu'il s'agissait d'un client "prestigieux et important" -, celui de l'Etat apparaît moins évident à saisir. Quelle plus-value le ministère pouvait-il espérer en ayant recours à cette prestation, essentiellement rédigée par un juriste sans doute talentueux mais pas plus expérimenté qu'un énarque de la fonction publique ? Surtout que Dentons a confié la partie technique de l'étude d'impact - justifiant, selon le cabinet Borne, le recours à un prestataire extérieur du ministère - à la société d'ingénierie Setec International. Au final, la prestation a été facturée 15.000 euros par Dentons et 27.600 euros par Setec, soit 42.600 euros TTC.

Ce gâchis d'argent public n'a pas ému le Conseil d'Etat. En revanche, son résultat, si : le 15 novembre, l'autorité administrative suprême, qui vérifie notamment la conformité des projets de loi à la Constitution, étrille l'étude d'impact réalisée sur la base des travaux de Dentons et Setec ! "L’étude d’impact (…) ne satisfait pas, en ce qui concerne ces dispositions, aux exigences posées par la loi organique du 15 avril 2009. Non seulement elle ne présente ni le dispositif retenu ni les objectifs qu’il poursuit, mais, en outre, elle met en avant, pour le justifier, un constat erroné", écrivent les juges administratifs, qui pointent des "lacunes", des "incohérences" et des "insuffisances" multiples. Tout ça pour ça.

Bien sûr, Dentons précise, non sans raison, que "le texte du projet de loi a été assez profondément modifié après la fin de (leur) intervention", et que "l'étude d’impact a en conséquence été aussi remaniée". Le cabinet indique encore que son "intervention s’est achevée plus d’un mois et demi avant la transmission du texte au Conseil d'Etat". L'entourage d'Elisabeth Borne souligne, dans le même sens, que "toutes les mesures du projet de loi ont fait l’objet d’un travail durant plusieurs mois, ce qui a donné lieu à des ajustements de l'étude d'impact en conséquence" et que "la préparation du projet de loi final s’est par ailleurs poursuivie plusieurs mois après la fin" de la prestation de Dentons et Setec.

Mais alors, pourquoi un tel empressement de l'Etat à externaliser la réalisation de cette étude d'impact ? Ouvert sur une très courte période - du 12 au 22 janvier 2018 -, le marché public prévoyait initialement que la prestation devait elle-même être effectuée très rapidement : "Le délai prévisionnel global d’exécution des prestations est de 2 semaines pour la tranche ferme à compter de la date de notification du marché, l’ensemble des livrables devant être très rapidement disponibles". A l'époque, ces délais justifiaient la mise en concurrence très courte. Un procédé par ailleurs souvent utilisé par l'administration pour d'autres raisons : "Généralement, quand l'Etat décide de délais aussi courts, c'est pour restreindre le nombre de candidats, exercer un écrémage naturel", considère un avocat en droit public d'un grand cabinet. Or, Dentons et Setec ont finalement planché sur le document pendant près de trois mois, la société d'ingénierie terminant même une prestation "optionnelle" durant le mois d'août. A ce sujet, le cabinet Borne précise simplement que "le processus de rédaction de la loi s'est finalement avéré plus long qu'initialement envisagé".

Plus d'un an après l'appel d'offres, le projet de loi n'a toujours pas été discuté devant le Parlement. Plusieurs fois repoussé, le texte est désormais prévu pour la mi-mars 2019, après le grand débat national. Preuve que le temps ne pressait pas tant que ça.

Voilà. Si vous avez bien tout lu, vous pourrez pas dire que vous saviez pas. On trouve dans ce fait d'hiver un certain nombre de vérités qui ne sont pas toutes bonnes à dire. Comme le fait que faute d'avoir assez de fonctionnaires disponibles, le ministère a atteint les limites de Borne et la sœurette du petit Benjamin du gouvernement ... enfin bref ... je préfère pas en rajouter, ça va encore m'énerver et flûte.
Dès la rentrée prochaine, les élèves de première
ne s'engageront plus dans les filières
traditionnelles (L, S et ES). - KONRAD K./SIPA
Dans quelques mois, la réforme du lycée pensée par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, sera effective. Alors que les établissements se préparent, les inquiétudes sont de plus en plus vives chez les professeurs. Sans réponse face aux questions de leurs élèves et inquiets quant à leur avenir personnel.

Ils renoncent à être "professeur principal". En région Occitanie, dans les départements de la Haute-Garonne et du Tarn, plus de 130 professeurs ont remis la semaine dernière leur démission au rectorat. La cause de leur abandon : la future réforme du lycée de Jean Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale. Dès la rentrée prochaine, les élèves de première ne s'engageront plus dans les filières traditionnelles du baccalauréat (L, S et ES). Au lieu de cela, ils devront choisir trois spécialités sur une carte nationale en comptant douze. "Pour la voie générale, nous passons d'un système qui proposait trois couloirs, avec des choix brusques et parfois irréversibles, à un système de passerelles, avec plus de liberté, a vanté le ministre à l'occasion d'une interview accordée au Journal du dimanche. Nous avons une offre plus importante".Une "hypocrisie", lui répondent ces enseignants excédés, vent debout contre une réforme qu'ils jugent "précipitée, inique et insuffisamment formalisée". Furieux mais aussi perdus face aux sollicitations de leurs élèves.

Des élèves "cobayes"

Déboussolés, désemparés… Lorsque l'on interroge les professeurs de lycées, ces mots reviennent régulièrement. Depuis le mois de janvier, les actuels élèves de seconde ont à exprimer leurs premières intentions quant à leurs éventuels choix de spécialités pour l'année suivante. Des souhaits qu'ils devront confirmer à la fin du deuxième trimestre, au mois de mars. Sans arrêt, témoignent certains de leurs professeurs, les jeunes gens viennent frapper à leur porte. "'Quelle voie prendre ? Quel pari faire ?', nous demandent-ils. Mais que leur répondre ? On n'en sait rien", se désole Antonin Canet, professeur d'histoire au lycée Victor-Hugo de Gaillac (Tarn).

Lui aussi a décidé de raccrocher, de laisser sa blouse de professeur principal au vestiaire. "Je refuse de participer à la mise en place de cette réforme, de réduire mes élèves au rang de cobayes", explique-t-il à Marianne. Car selon lui, c'est un "bouleversement majeur" du lycée qui s'apprête à être joué. Mais pas vraiment celui qu'il attendait : "Dès la classe de première, les élèves acteront ce que sera leur parcours, leurs études, leur avenir. Et pour la première génération à s'y frotter, nos actuels secondes, ce choix se fera à l'aveugle".

Le ministre assure pourtant que la réforme apportera davantage de liberté aux lycéens. Et que ceux-ci n'ont et n'auront qu'une question à se poser : "Qu'est-ce qui me plaît ?". Sans avoir à penser à ce qui pourrait plaire à la plateforme d'orientation Parcoursup et ses fameux algorithmes et critères opaques ? "Lorsque nous lisons les plaquettes établies par les formations de l'enseignement supérieur, il est clairement spécifié que les spécialités suivies seront déterminantes pour pouvoir intégrer tel ou tel cursus. Sans que l'on sache exactement laquelle fera vraiment la différence, nous rapporte Claire Guéville, professeure au lycée de Dieppe (Seine-Maritime) et représentante du Snes-Fsu. Cela exige donc des élèves de seconde qu'ils sachent exactement ce qu'ils veulent faire plus tard pour mettre en place une stratégie imparable. Mais comment les conseiller lorsque les critères de chaque université sont masqués ?".

Antonin Canet abonde en ce sens, prenant l'exemple d'un lycéen qui voudrait faire des études de médecine : "Imaginons qu'il choisisse mathématiques, sciences de la vie et de la terre (SVT) et physique… Sachant qu'un étudiant doit choisir trois spécialités en première et en laisser tomber une en terminale, que lui conseille-t-on ? D'arrêter les maths, la SVT, la physique ? Ce choix peut être fatal, il ne peut se faire au hasard".

Inégalités territoriales
Un choix cornélien… en tout cas pour ceux qui auront réellement la possibilité d'en faire un. D'abord parce que selon les établissements, l'offre peut être limitée. Si la carte nationale des spécialités recense douze matières, les lycées en proposeront sept en moyenne. Certains élèves pourraient donc se résoudre à faire un choix par défaut, uniquement en fonction de ce qui est sur la table. D'autant que si un élève souhaite suivre une spécialité qui n'est pas proposée dans son établissement, il sera invité à suivre les cours correspondants dans un établissement du secteur qui la proposera. Parfois à plusieurs dizaines de kilomètres de distance.

Ensuite, parce que le choix des élèves pourrait ne pas être totalement libre. Pour s'économiser une floraison de combinaisons de spécialités, et donc éviter certaines difficultés dans la confection des emplois du temps, des établissements pourraient proposer des combinaisons de spécialités pré-établies. Loin du sud et de ce début d'épidémie de démission, le lycée Jacques-Prévert de Pont-Audemer (Eure) y pense sérieusement, comme nous l'indique Pablo*, professeur de philosophie : "Le ministre répète à tout bout de champ que la liberté de choix des élèves sera respectée, mais c'est impossible et il le sait très bien. Dans notre bahut, il y a 156 combinaisons possibles par élève. C'est intenable".

Et même si ces élèves réussissent à exprimer leurs vœux librement, encore faut-il qu'ils soient acceptés dans ces spécialités. Même si la réforme n'assume pas explicitement qu'un tri des lycéens sera opéré dès leur entrée en première, une circulaire du 26 septembre 2018 invite les lycéens à mentionner "quatre enseignements de spécialité parmi ceux proposés dans l'établissement"... alors qu'ils ne sont censés n'en suivre que trois. "Certains élèves n'auront pas les spécialités qu'ils voudront prendre, soupire Pablo. Il va nous falloir sélectionner ceux qui auront le droit de suivre telle ou telle spécialité. Je sais pas si le choix se fera en fonction des notes, des appréciations du conseil de classe ou des projets de chacun. Là aussi, on ne peut pas renseigner les élèves sur leurs chances d'obtenir les spécialités désirées. Mais ce qui est certain, c'est que nous serons mis à contribution pour sélectionner les profils prometteurs sur lesquels parier… C'est affligeant".

La menace des suppressions de postes
Surtout, les spécialités annoncées dans les lycées devront être réellement mises en place. Car dans de nombreuses académies, à en croire les syndicats, les recteurs ont imposé des "seuils" d'élèves en dessous desquels la spécialité devra être financée par les fonds propres de l'établissement. Des seuils qui varient de 20 élèves à Poitiers à 35 à Lyon, selon les informations communiquées par le Snes. "Dans ces conditions, si une spécialité préalablement annoncée et affichée n'est demandée que par trop peu d'élèves, le chef d'établissement renoncera à la proposer, échaudé par la possibilité de devoir creuser ses finances. Il restera donc aux élèves qui voudront vraiment suivre ces enseignements à prendre le large", pronostique Claire Guéville. Face à tous ces cas de figure possibles, difficile pour ces professeurs d'être à la hauteur des attentes de leurs élèves. Que ce soit dans l'accompagnement ou simplement pour les rassurer face à cette échéance majeure de leur scolarité.

Des incertitudes qui s'ajoutent aux nombreuses inquiétudes concernant leur sort individuel. Au mieux, pour ces professeurs, cette réforme sera synonyme de baisse des heures d'enseignement, comme l'annonce la publication des dotations horaires. Et dans le pire des cas, ce sont leurs postes qui pourraient être menacés par la disparition de certaines matières dans leur établissement. Les plus en danger : les professeurs de latin, de philosophie ou d'histoire de l'art... "Forcément, si on baisse les heures et qu'on remplit les classes à ras bord, il va y avoir des postes qui vont sauter, redoute Pablo. 2.600 postes doivent être supprimés dans le secondaire à la rentrée prochaine. Alors, pourquoi pas le mien ?".

La première chose qu'on apprend, de source sûre, c'est que Jean-Mi pense ! Il a pensé la réforme. Super. Sauf que ... ça tousse pour plein de raisons.

Et moi la raison qui me paraît la plus importante, c'est qu'on demande à des adolescents de choisir la filière dans laquelle ils veulent terminer leurs études ... pourvu que Blanquer arrête de penser, sinon l'an prochain il va nous proposer de démarrer la sélection dès le CM2.

J'ai eu la chance de choisir mon métier quand j'avais à peine quinze ans. Je faisais figure de martien, ou un truc pas raisonnable. Et j'ai fait ce que j'avais imaginé faire. Avec plaisir la plupart du temps. Je sais pour l'avoir observé tellement souvent que c'est une gageure de bien choisir sa voie avant d'avoir une vingtaine d'années, et de nos jours bien plus qu'il y a deux générations.

La segmentation de l'enseignement telle qu'elle s'annonce, en filières très orientées, répond à une logique de marché. Ça n'échappe à personne, le politique tente de réconforter les entreprises avec une main d’œuvre collant au plus près aux besoins du marché de l'emploi ... ou quelque chose dans le genre.

Il va y avoir à un moment donné une volonté de faire disparaître la formation permanente, c'est une évidence. Et pour l'instant on commence à spécialiser l'enseignement au maximum, le plus tôt possible. En fonction des qualités d'un élève, ou de l'aide qu'il aura pour réussir dans une filière ou une autre, il atterrira quelque part pour apprendre un beau métier. Et pas un autre, seulement celui pour lequel on l'aura repéré. C'est le risque de cette attitude qui consiste à dénaturer l'enseignement commun tel qu'il était conçu. Et tel qu'il a permis à la France d'avoir une population très éduquée.

Ça peut changer. D'autant plus qu'on va aussi, en même temps, vers une spécialisation de plus en plus marquée des enseignants eux-mêmes, peut-être vers une normalisation des contenus enseignés, et peut-être vers une ubérisation de l'enseignement d'ailleurs.

Dans le cas où Blanquer serait encore ministre de l'éducation d'ici dix ans, il ne faudrait pas être surpris de voir l’Éducation Nationale remplacée par opérateur de MOOCs. Mais on n'a aucun risque ? De voir Blanquer encore ...  ? Laisse tomber.

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Au café du commerce, il n'y a que les godets pleins qui rapportent sans ficelle

Pour deux francs et pas un saoul ... - Je regarde cette putain de carte avec ses points rouges. Elle a la chtouille. On a beau dire, ...