02 février 2020

L'actualité sous le filtre de ma (presque) mauvaise foi. 2 février 2020


 Une lecture pour un dimanche d'hiver !

La cigale et la fourmi ! Et autres fables.

A votre avis, combien pèsent les insectes sur Terre ? On va dire pas au kilo, mais en proportion ? Avons-nous des ancêtres communs avec les insectes ? Et plus près de nous qui sont nos ancêtres. Il y a des gens qui ont de drôles d'occupations quand même.

Latreille reporte, dans l'avertissement de ses "Mémoires sur divers sujets de l'histoire naturelle des insectes, de géographie ancienne et de chronologie" (Edité à Paris, chez Déterville, librairie, rue Hautefeuille, n°8, 1819), ces réflexions de M. Legoux de Flaix, voyageur dans l'Inde, qu'il affirme tenir toujours en sa mémoire :

"Nous serions moins incrédules si, de bonne foi avec nous-mêmes, nous séparions, dans le calme de la raison, la partie dogmatique de nos livres et de nos traditions, d'avec la partie qui n'est que philosophique; alors nous respecterions plus la révélation en tout ce qui concerne la morale sur laquelle s'appuient toutes les Religions; alors en dégageant nos livres sacrés de tout ce qui appartient aux sciences physiques, la Religion y gagneroit en même temps que nos connoissances s'accroîtroient, puisqu'aucune barrière ne les arrêteroit plus dans l'explication des phénomènes de la nature et de l'ouvrage merveilleux de la Providence; alors enfin, les hommes en deviendroient meilleurs, et seroient plus justes et plus reconnoissans envers celui qui les créa, ainsi que toutes choses pour leur bonheur."

Ce propos est d'ailleurs rédigé et publié à l'origine dans "Essai historique, géographique et politique sur l'Indoustan avec le tableau de son commerce", par Alexandre Legoux de Flaix (édité à Paris, chez Pougin, librairie, rue Saint-André-des-Arts, n°39, 1807).

On pourra lire ce second ouvrage, antérieur à celui de Latreille, pour se faire une idée de ce qui se disait sur l'organisation mondiale du commerce, à l'époque où le centre de gravité financier et économique de l'humanité se situait résolument en Europe. Sur la façon dont les maîtres du Monde organisaient le commerce, pillaient ressources et richesses, sans tenir aucun compte des exigences et des réalités qui s'imposent aux peuples qui les produisent ou en assurent la pérennité, Legoux de Flaix qui n'avait probablement rien d'un gauchiste ne fait pas exactement l'éloge des bureaucrates et des spéculateurs qui sont capables de s'emparer, d'un simple regard avide ou distrait, des choses dont ils ignorent tout. Cette (fausse) parenthèse méritait qu'on l'ouvrât, je la referme.

Ce qui m'intéressait à (re)lire un peu, du jus de Latreille, c'est que ce Pierre-André a laissé une bien grande empreinte dans le travail des entomologistes, que je grappillais quelques idées sur la question, et je ne m'étendrai pas ici, sur les raisons qui m'y conduisirent. Pourtant, l'empreinte aurait pu être ténue si ça n'avait tenu qu'à l'ordre établi des choses vu l'ambiance qui pesait sur les gens à l'époque où il se lançait dans la vie.

Avant de revenir sur les premiers pas de Latreille, j'en profite pour un petit détour sur Jean-François Déterville, libraire donc (c'est indiqué dans la mention à l'ouvrage de Latreille), à Paris. Né en 1766 à Grainville-sur-Odon, Déterville fut élevé par un cousin de son père, curé à Us, qui le plaçat en 1782 aux bons soins de Pierre-François Didot, imprimeur de Monsieur, futur Louis croix vé 3 bâtons ...

Déterville eut une enfance compliquée mais parvint à s'installer après avoir été "reçu" libraire en 1786. Avisé dans les choix des livres qu'il propose, pour partie qu'il édite lui-même, il sera en relation avec un grand nombre de savants illustres de son temps. Je médite.

L'affaire se passe au tournant d'une époque, ou l'on commandait le peuple de droit divin, c'était avant, on étêtait les commandeurs à tour de bras, c'était pendant, la Révolution, on dut faire bonne figure pour éclairer le monde, aux chiottes la Liberté, c'était juste un peu plus tard, en l'espace d'un siècle la société française allait connaître des gens bouillants, bouilleurs de crus, ce qui en fait des contrepéteurs, cuiseurs debouts, et surtout beaucoup de bouillus qu'ont fait foutus.

Détreville a été un libraire méritant, à mon sens, d'avoir su tenir bon pour porter les écrits de plein de gens auxquels il n'était pas toujours bien vu de faire passer le micro.

Pierre-André Latreille est né en 1762 à Brive-la-Gaillarde. Une ville dont le marché est devenu célèbre pour d'autres raisons, on rapporte à certains endroits que la justice y est représentée par des zoophiles, ce que je ne peux pas croire, il doit s'agir de fuck-news. Il est possible que certains sétois soient perfides même lorsqu'ils naissent et meurent en Hérault.

Latreille s'est intéressé aux insectes dès son adolescence, sans doute avait-il trouvé hors de la société des humains de meilleurs camarades.

Fils naturel de Jean de Sahuguet d'Amarzit, baron d'Espagnac, qui devient gouverneur des Invalides en 1766, il est abandonné à sa naissance par sa mère et ne sera jamais reconnu par son père. Il est élevé dans une famille très modeste. Il fait ses études au collège de Brive puis à Paris au collège du cardinal Lemoine. Il est ordonné diacre en 1786, puis vraisemblablement prêtre, et retourne à Brive où il consacre, avec l'aide financière du baron d'Espagnac, son temps libre à l'entomologie. Il revient à Paris en 1788.

Au cours de ses études, Latreille s'intéresse à l'histoire naturelle en visitant le Jardin du Roi planté par Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon et en attrapant des insectes autour de Paris. Il suit des cours de botanique de René Just Haüy, qui le font entrer en contact avec Jean-Baptiste Lamarck.

En 1793, la Révolution et ses éternuements le verront se refuser à signer la Constitution civile du clergé, qui instituait une nouvelle Église considérée comme impie pour Pie VI, une réforme en quelque sorte, refus qui lui sera reconnu et récompensé par un emprisonnement à Bordeaux, en vue d'être expédié en Guyane. On exportait déjà à l'époque des gens vers les territoires d'outre-mer, et pourtant il n'est mentionné nulle part d'activité sexuelle concernant Latreille, mais c'est une autre histoire qui n'a rien à voir, et d'abord on parle ici de la période de la Révolution et pas de la dérive des pôles.

Enfin bref, Latreille, quand on lit ce qu'il a écrit, c'est plutôt ... chiant ... si on a pas été préparé à aimer les mêmes choses que lui, sauf que ... sauf qu'au milieu des descriptions, des explications, des suppositions qui ont permis de porter l'entomologie au niveau d'une vraie science, et de donner l'occasion à la plus grande partie de la biomasse animale d'obtenir une place reconnue dans les universités, on trouve aussi une importante contribution à l'Histoire des humains.

Force est de constater que Latreille, qui avait tout son temps pour le faire, aimait classer, relier, interconnecter les choses en fonction de toutes sortes de critères.

C'est ainsi qu'il décrit, avec les connaissances de l'époque, et les découvertes du moment, une sorte de généalogie assez exhaustive de tout ce qu'il peut trouver dans les textes sacrés et profanes, croisés avec tout ce qu'il peut trouver d'autre, et ça tombe bien, Champollion apporte un coup de neuf à la science, on commence à lire des textes inédits à l'époque.

Le travail de Latreille portant sur l'étude des textes anciens consiste à rapprocher les personnes et les lieux décrits dans toutes sortes de documents, pour en tenter une synthèse. Avec pour idée que la Génèse biblique est en quelque sorte l'élément de preuve que tout ça tient debout et permet effectivement de résoudre toutes questions de nos origines et de celles de toutes choses dans l'Univers. Latreille prend toutefois force de précautions à expliquer qu'il commente les faits et sépare le sacré de la science, l'envie de se consumer chez lui n'atteignant pas la même ambition que Jeanne d'Arc.

On l'imagine bien, depuis les idées ont fait leur chemin, il ne faut pas prendre cette généalogie de Latreille pour autre chose que ce qu'elle est, une analyse de "faits", tels qu'ils sont exposés à la sagacité d'un analyste. Si on s'en tient à ceci, il est remarquable de pouvoir constater l'efficacité et la capacité de travail qu'il a pu montrer à réunir autant d'éléments pour les analyser au point de dresser une sorte d'arbre généalogique, approximatif, des peuples, des lignées, des tout ce qu'on veut ... et pour autant qu'on y comprenne quelque chose aujourd'hui, tout ce qu'il avance à son époque n'est pas faux d'ailleurs.

En généalogie, il n'est pas compliqué de comprendre que si nous avons parmi nos ancêtres au moins une partie installée entre Benelux et Pyrénées depuis un certain nombre de générations, nous sommes nécessairement descendants de Charlemagne, et par voie de conséquence nous avons quelques gènes qui nous viennent aussi des moments calmes ou agités que passait Jules César, et pas seulement avec Calpurnia Pisonis.

La généalogie se sert des faits qu'elle trouve pour relier les personnes qui sont censés les porter ! L'entomologie s'intéresse à tout ce qui touche aux insectes, avec en chapitre fondamental ce qui décrit les espèces qu'ils représentent et les filiations des espèces. De Latreille, Lamarck ne se tenait pas loin, et de Lamarck, l'Histoire nous l'apprendra plus tard, une compétition pas forcément aimable mais louable s'est établie avec un certain Darwin.

Les insectes, c'est une biomasse qui représente à peu près 300 fois la biomasse de l'humanité, si on accepte de tenir l'humanité pour autre chose qu'un épiphénomène d'insectes invasifs, emmerdants au possible, même si quelques exemplaires sont remarquablement aimables à mon point de vue, mais peu en fait.

300 fois la biomasse d'une l'humanité, pourtant, elle, allotie de bientôt huit milliards d'individus, et quand tu penses qu'une seule mouche dans la cuisine peut énerver toute la maisonnée, ou pire encore un moustique dans ta nuit peut la pourrir au point de te rendre énervé toute la journée du lendemain.

Latreille ça le passionnait, et malgré les risques du métier, il a tenu bon, il a inventorié tout ce qu'il pouvait, tout au long de sa vie, y compris aux pires moments de la Révolution, quand on zigouillait sans vergogne, que l'on coupait des têtes, qu'on massacrait les objecteurs d'opinions toutes faites, ou qu'on n'écoutait pas assez les penseurs qui avaient des propositions honnêtes.

On les écoutait pas, au point, d'avoir fini par trouver qu'un ambitieux bidasse qui pensait avoir la sienne, de tête, mieux faite que tout le reste du monde, puisse, démocratiquement ou presque, s'emparer d'un pouvoir qu'il n'avait aucune envie de partager.

Je suis bien content d'avoir bouffé un peu de Latreille, ça m'a un peu fait tourner la tête.

Et puis ça tombe pas comme mars en carême, justement, en parlant de toute cette époque, après les Lumières, vu qu'à partir de 1789 il y a eu comme un court-jus qui a porté ombrage pendant un temps ... les Lumières en fait ça commence à la renaissance, dans l'ombre, avec des gens qui étaient en avance sur leur temps, et ça devient plus voyant au 18ème siècle ... enfin bref, donc, puisque je parlais de Nabulione di Buonaparte, je reprécise, je le fais plus ou moins tous les ans, qu'il s'agit d'un énorme fake politicien qui a prétendu respecter l'aspiration du peuple français à abolir l'esclavage, entre autres, et que ce petit con, très prétentieux, aimant à trouver le moyen de plaire aux puissants, l'a remis en œuvre un peu après avoir réussi à phagocyter tous les pouvoirs.

Thomas-Alexandre Dumas

Il y avait un général bien plus valeureux, courageux sans aucun doute, aux aspirations bien plus sincères pour porter les valeurs de la Révolution, pour œuvrer au nom du peuple, pour soutenir la levée de toutes les servitudes, général dont l'Histoire ne met pas assez en avant le nom et l'héritage que porte de lui l'histoire de France. Le Général Dumas reçoit cette année l'hommage de ses amis vivants, le 4 février, Place du Général Catroux, métro Malesherbes, dans le 17ème arrondissement de Paris, où il est encore possible de venir autrement qu'à vélo. Et c'est à 18h ! Qu'on se le dise.

L'hommage est bien si on s'y pointe, mais ça fonctionne aussi si on y pense sans pouvoir y venir, surtout si on en parle, et si on prend le temps de (re)lire un peu sur la vie du Général Dumas, de son parcours, de sa progéniture (ça fonctionne bien vu la qualité des gènes propagés) ...

Le 4 février 1794, 16 pluviose an II, la Convention nationale décide et vote l'abolition de l'esclavage des Nègres dans toutes les colonies.

Le décret ne sera tristement pas suivi d'effet de manière uniforme, et sera abrogé en 1802, par la Loi du 20 mai 1802, abrogation dont il est précisé qu'elle ne concerne, en principe, que les territoires sur lesquels le décret du 4 février 1794 ne s'était pas appliqué.

La France demeure à ce jour le seul pays ayant juridiquement rétabli l'esclavage, et par conséquent le seul pays à avoir vu passer deux abolitions de l'esclavage.

1802 est l'année où le Général Dumas sera mis à la retraite anticipée par Bonaparte, et terminera assez tristement sa vie alors même qu'il fut probablement le plus valeureux porteur des idéaux de la Révolution.

Les motivations de Bonaparte, alors 1er Consul, font l'objet de controverses. Ce qu'on peut dire en appui d'une explication de ces motivations, c'est qu'il soutenait, dès 1793, une vision comptable et économique sur la question, selon des éléments de correspondance rapportés par Marcel Dorigny, correspondance liée aux négociations préliminaires du traité d'Amiens : « … La continuation de la traite est envisagée jusqu’à ce que le gouvernement français aura pu trouver un accord avec le gouvernement britannique et d’autres gouvernements pour supprimer la traite d’un commun accord. Les esclaves amenés par la traite seront traités comme ils le sont dans les autres colonies européennes et comme il l’étaient avant 1789 ». En gros, il était clair dès 1793 qu'on ne priverait pas l'industrie française d'une matière première utile sauf à ce que les autres puissances s'en défassent également. Quel courage, et quelle leçon révolutionnaire. Avec l'éclairage de maintenant, on aurait bien aimé que cela se fut su plus tôt. La Paix d'Amiens est un point de l'Histoire qui a vu, en conclusion de la période révolutionnaire, tenter de trouver comment mettre un terme à l'expansionnisme de Bonaparte, ce dernier faisant face à une difficulté de croissance et devant négocier une fenêtre de temps calme. Il était déjà en train de construire l'empire sur lequel il poserait son  trône.

Ce qui me fait un peu tilt ... c'est qu'on entend volontiers le même genre de son quand on tape sur d'autres cloches qui expliquent que le progrès consiste à proposer des trucs qui ne seront faits que quand tout le monde les fera ... enfin bon, c'est une autre histoire, qui n'a rien à voir avec Amiens ... ?! Euh ? Non ! Enfin bref.

Mais en tout cas, le 4 février est un jour où j'ai une pensée particulière pour le Général Dumas, pour une époque qui a vu naître des espoirs qui n'ont pas été beaucoup suivis d'effets, et qui malgré les tourmentes et les tourments permit aussi à des compteurs de scarabées de faire ce qu'ils savaient bien faire sans aucune antipathie pour aucun d'eux, bien au contraire.

Et puis le Général Dumas a aussi permis à des conteurs de nous faire plus ou moins vibrer au rythme des faits et gestes des mousquetaires, pendant que Latreille devait lui se débrouiller avec des moustiquaires.

Je sais pas quelle mouche m'a piqué avec ce journal du jour, mais c'est quand même mieux un peu d'histoire, mieux que les couacs du gouvernement,  les faits d'hiver du moment ...tiens, on parle de l'état d'urgence en Somalie, à cause des criquets pèlerins. Insectes et religion, ça peut surprendre, mais ça donne un sens au choix éditorial ;)



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