Publié pour le compte de François Marandet
I)
LE CONCEPT :
Nous
avons souvent été bassinés avec la « Valeur Travail »,
surtout par des gens venant de la droite du PS (pour discréditer le
Revenu Universel d'Existence prôné par Benoît
Hamon), mais aussi venant de la droite traditionnelle, (avec pour eux
peut être l'idée chrétienne de rédemption par le travail, le mot
travail venant de « tripalium », instrument de torture de
l'époque romaine), bref, c'est un concept utilisé fréquemment,
avec en général une idée sous-jacente moralisatrice et
culpabilisante.
Lorsque
j'ai cherché à comprendre ce concept,
d'où il venait et à quoi il faisait référence, j'ai vu que ses
utilisateurs s'en servaient comme d'une formule magique, un
« Abracadabra », un argument d'autorité, qui ne reposait
sur rien. Son origine vient peut-être (par le PC) de l'idée de la
valeur
du
travail,
selon Marx. Elle tient peut-être aussi à la conséquence de la
pauvreté du prolétariat, le travail étant alors sa principale
fierté, la seule richesse qu'il puisse posséder en propre. Utilisée
comme elle l'est aujourd'hui, la « valeur travail » est
considérée comme une valeur morale, un en-soi, une transcendance
dépassant la condition humaine, et à laquelle on est tenu
d'adhérer.

Outre
sa valeur d'échange, elle peut avoir de multiples effets
parallèles induits : une émancipation, une autonomie, une
ouverture, des rencontres vers les autres, une progression
personnelle, une prise de conscience sociale, un éveil des idées de
solidarité, … etc. Mais ces effets induits peuvent être aussi
destructeurs : humiliations, harcèlement, fatigue, maladies
professionnelles vieillissement et décès précoces, « burn
out » … etc.
On
ne peut donc pas mettre dans le même sac le travail et les avatars
qui
l'accompagnent, bons
ou mauvais, ces avatars n'ayant qu'une parenté lointaine avec le
travail : Ils existent dans toutes les activités sociales,
associatives, politiques, sportives, ludiques … On ne peut pas non
plus la confondre avec une valeur morale imposée
par l'ordre établi à ceux qui y seraient assujettis.
II)
DYNAMIQUE ACTUELLE :
Actuellement
tout est fait pour que l'équilibre des forces favorise l'employeur,
et que le salarié ou postulant à l'être, soit obligé d'accepter
les conditions des employeurs. Oh
je ne parle pas ici de ces petits patrons qui savent à quel point
les salariés sont
la force de production qui permet à leur entreprise de tourner, mais
de ces entreprises sous la coupe du capitalisme
financier et
dont l'objet premier est de faire le maximum de bénéfices pour
redistribuer aux actionnaires et aux dirigeants. Ces mêmes
entreprises qui bénéficient au maximum des subsides de l'état, et
qui prônent la dérégulation du « marché du travail ».


L'Ubérisation
du travail est l'exemple typique de ce retour à la main d’œuvre
journalière et encore pire, à la main d’œuvre à la minute, sans
aucun cadre de protection. De même pour les auto-entrepreneurs :
Cotisations maladie ? Cotisation retraite ? Cotisation
chômage ? Si cela devient facultatif en droit ou en fait, et
que le marché de l'Ubérisation précarise et appauvrit les
non-salariés, que vont-ils choisir ? Payer le loyer,
l’électricité, se nourrir et nourrir leurs enfants ? Ou
payer ces cotisations ! Mais disent les libéraux, Ils sont
libres et responsable d'eux même ! Oui, mais la
responsabilité sans les moyens d'y faire face est insupportable.
Notre société pour protéger les plus fragiles, a disposé des filets de protection sociale. Mais ils sont de plus en plus ténus et controversés. Les gouvernements, des médias, les élites atteintes du virus libéral rejettent le chômage comme étant de la faute des chômeurs, les culpabilisent de ne pas trouver du travail alors qu'il manque des millions d'emplois. Comment trouver du travail s'il n'y en a pas ? La gauche, la vraie, a inventé le RMI (devenu RSA) et la CMU : seront-ils les prochaines cibles des libéraux ?
On
ne peut pas être de gauche et économiquement libéral. La
contradiction est structurelle : la règle protège les plus faibles,
la dérégulation les fragilisent en instaurant la loi du plus fort.
Le libéralisme économique aboutit à une nouvelle aristocratie
hiérarchisée qui accapare et accumule les biens de la planète,
aristocratie composée de rois, de barons et de leurs serviteurs, et
une populace, allant des classes moyennes aux plus pauvres. Bientôt
le retour de la révolution de 1789 ? la structure économique
et sociale d'aujourd'hui, le pouvoir excessif d'un petit nombre, et
leur arrogance et leur mépris pour les « petits » a
beaucoup de points communs avec cette époque.
Durant
des millénaires les civilisations ont tenté de construire des
sociétés où chacun trouverait sa place, et des lois pour y
parvenir. Certes il y a eu de gros ratés : les enjeux de pouvoir
sont sans pitié. Le plus fort l'a toujours emporté. La théorisation
de la lutte des classes vient de ce rapport de force. Les crétins
qui ont annoncé la fin de l'histoire (avant les attentats sur les
tours jumelles) et ceux qui ont « constaté » la fin de
la lutte des classes, n'ont fait que montrer leur position de force.
Provisoire, cette position de force : l'histoire (qui ne sera jamais
finie) l'a bien montré. Et les faits historiques sont là, lorsque
les « élites » se coupent trop du peuple, les luttes de classes
renaissent et peuvent devenir très puissantes.
Le
libéralisme économique est la destruction de la civilisation.
La civilisation n'est pas comme certains le croient, synonyme de
technologie. La civilisation est l'art de vivre en commun instituant
des règles de respect, d'organisation de la société protégeant
les plus faibles et permettant à chacun d'avoir un accès à
l'épanouissement personnel : A vivre une vraie vie, et en avoir
les moyens. Citant Jacques Brel « pourquoi ont ils tué
Jaurès » :
« On
ne peut pas dire qu'ils furent esclaves,
De
là à dire qu'ils ont vécu,
Lorsque
l'on part aussi vaincu,
C'est
dur de sortir de l’enclave » ….
Le
libéralisme économique est le retour de la barbarie, un
totalitarisme qui veut faire croire qu'il n'y a qu'une façon de
penser, le libéralisme, et qu'une seule organisation possible de la
société, celle de la marchandisation générale, sous la coupe du
capitalisme financier : un fascisme mondial soft (au moins 5
critères de fascisme selon Umberto Eco). C'est une véritable
déclaration de guerre à la démocratie et au peuple :
« Soumettez vous ! Sinon nous avons tous les moyens de
vous soumettre : Nous avons les médias, qui forgent l'opinion
sur des mots réflexes : « la dette, le coût du travail,
la compétitivité, le chômage … », et une élite complice
de ce capitalisme financier, soit par naïveté, soit parce qu'elle
aspire à faire partie de cette classe dirigeante et à profiter
matériellement du nouvel ordre économique mondial ».
Les
crises récurrentes du libéralisme ont toujours fini en conflits
sanglants, avant qu'un nouvel ordre social puisse s'imposer :
Il ne faut pas oublier que la première guerre mondiale a été
précédée par « la grande dépression » berceau des
nationalismes européens, et la seconde par la crise de 29 qui a
amené Hitler au pouvoir.

Ce
totalitarisme en a les moyens : les médias, journaux et télé,
appartenant à la classe dominante ou à l'état, la volonté
d'abrutissement systématique des foules par des émissions de
télé-réalité (Lelay pour TF1 : notre métier est de préparer
de la place disponible pour les annonceurs publicitaires), le
discours unique et martelé de la doxa qui ne laisse qu'une place
minimale aux autres modèles de pensée et d'économie, le manque de
culture et de conscience politique, l'oubli ou l'occultation du passé
: le capitalisme libéral est
quand même impliqué dans les deux guerres mondiales, et dans cette
interminable guerre du moyen orient, qui dure depuis presque
cinquante ans ! Et dans toutes les guerres post-coloniales qui
ont touché l'Asie et l'Afrique …
Ce totalitarisme libéral a trouvé son joker avec le libéralisme financier et l'internationalisation des entreprises, qui épuisent les finances des pays pour les amasser dans des paradis fiscaux, grâce à la complicité du laxisme des gouvernements européens qui organisent l'évasion fiscale et font semblant, en vrais faux culs, de lutter contre. Pourquoi Junker n'est il pas en prison (à côté de Madhof), lui qui a organisé des règles de tricherie pour que le Luxembourg devienne un paradis fiscal à l'intérieur de l'Europe ? Organisé le pillage des pays européens, avec des impôts sur les sociétés très bas. Un dumping pour l'accueil des sièges sociaux qui ne sont quelques fois que des boites à lettres. (cf LuxLeaks ) La réponse est claire, il a agit pour ses amis capitalistes, au détriment des peuples européens, qu'il soumet ainsi un peu plus au dumping social.
Petite
démonstration : Le PIB par habitant
en France (prévision 2017) est de 39600 us $ au 24ème rang mondial,
celui de l'allemagne de 43 700 $ au 19 ème rang, plus haut viennent
les producteurs de pétrole et de matière premières, et les
États-Unis (8 ème avec 59 400 $ par habitant). Tout en haut
viennent
les paradis
fiscaux,
et au premier rang, le
Luxembourg
à 110 000 $ de PIB par habitant, soit presque le triple de celui de
la France
ou de l’Allemagne !
Ont-ils un génie particulier ? Non ils sont un paradis fiscal
au cœur de l'Europe, et l'Europe accepte cet état de fait comme
normal. Qu'est devenue l'Europe social-démocrate des fondateurs, qui
me faisait rêver ?
Le
libéralisme entraîne aussi une course au pillage et à la pollution
de la planète, sans soucis de ceux qui nous suivront. L'écologie
libérale ? Un oxymore, un conflit d'intérêt permanent, en général
assumé par ceux qui servent de cache-sexe au pillage des ressources
naturelles, en promettant la Lune pour dans 20, 30, ou 40 ans. (On
en a un bel exemple actuellement au gouvernement ! La fondation
de Hulot est -ou a été- sponsorisée par les pires des pollueurs.
il leur doit donc bien un retour ! Notre « ministre »
ne défend même pas l'agriculture bio menacée par la suppression
des aides ... )

Au
contraire les « progressistes » (progrès social
s'entend), veulent une société qui permettrait à chacun
d'avoir une place honorable. Un travail s'il y en a, réparti s'il
est insuffisant, des ressources pour chacun, et un respect des
ressources naturelles et d'une terre propre pour les générations
futures. Pour moi ceci est la modernité de toujours : aller
vers le mieux être de chacun, redonner leurs chances aux plus
défavorises, et limiter les accumulations de richesses qui se font
par la répartition déséquilibrée des biens créés par le pays.
Le progrès social constitue une valeur en cela qu'elle est à la
fois un but et le chemin qui y mène. Est-ce pour autant qu'on n'aime
pas l' « entreprise » ?

-
Une entreprise produisant des bien ou des services dans le respect de ses employés et de l'écologie est très certainement aimable ;
-
une entreprise s'attribuant le droit de polluer notre planète (avec la complicité du ministre de l'écologie),
-
une entreprise qui fait des licenciements financiers même lorsqu'elle est rentable,
-
une entreprise qui organise la faillite d'une filiale en ne renouvelant pas ses investissement et exigeant de ses salariés des conditions de travail (heures supplémentaires non payées, etc) contre la promesse d'une pérennité de l'emploi, sachant très bien que la fermeture est programmée pour les années à venir,
-
Une entreprise qui fait des bénéfices considérables dans un pays et s'organise pour ne pas y payer d’impôts ... etc,
… ces
entreprises là ne sont pas « aimables ». Elles
participent du totalitarisme, de l'emprise non démocratique du plus
fort sur le plus faible, du « soft-fascisme » qui prend
le pouvoir depuis quelques décennies. Et cela avec la complicité de
l'« État providence
pour les plus riches » qui
choie les actionnaires, ferme les yeux sur les évasions
fiscales, subventionne avec notre argent des entreprises qui n'en ont
pas besoin, et qui fustigent l'état qu'ils appellent « état
providence » dès qu'il s'agit d'aides à ceux qui en ont
besoin.

Alors
revenons à notion de « valeur travail » cet outil
de propagande totalitaire, ce détournement de sens, cette chaîne
qu'on met aux pieds des nouveaux esclaves et qui permet de montrer du
doigt les chômeurs et les pauvres, bénéficiaires d'allocations,
qui seraient « des profiteurs » voire des parasites,
alors que le coût de la triche aux allocations est minime par
rapport à l'évasion fiscale ou aux dons que nous faisons aux
actionnaires des grandes entreprises par l'intermédiaire du CICE !
Revenons
surtout à la valeur du
travail, dont sont privés tant de gens, et qui, grâce au
réservoir de chômeur, diminue en tant que valeur d'échange,
quasiment figée, alors que les coûts de la vie augmentent (énergie,
services, etc). Qui subit la pression du dumping social demandé par
le Medef pour augmenter les profits des actionnaires, avec un
président à leurs ordres, des ministres châtrés de tout pouvoir,
des députés tenus en laisse, un peuple désorienté par les
promesses mensongères, et encore sous le coup du choix qu'ils ont du
faire entre le fascisme affirmé du FN et celui plus masqué du
libéralisme financier international.
Cette
valeur du travail doit être reconnue comme telle, pour qu'elle
puisse apporter à chacun de quoi vivre dignement, permettre du temps
libre, de repos et de loisirs, l'accès à la culture à ceux qui le
désirent, le temps pour les activités sociales non quantifiables en
tant que production mais indispensables pour recréer une vraie
civilisation. Pour cela il faut pouvoir partager le temps de
travail, et celui du non-travail dont chacun fera ce qu'il voudra
sans jugement du pouvoir, des médias, des dirigeants, de ceux qui
voudront passer leur vie à accumuler des richesses inutiles, et
travailler jusqu'à leur dernier jour.
Indépendamment
de cette valeur du travail s'ajoute le fait que chaque humain est
copropriétaire sa vie durant d'une part égale de notre planète (ou
du moins en a la jouissance et en est co-gestionnaire dans une
démocratie idéale), qui est actuellement accaparée par un petit
nombre. Les mécanismes par lesquels cette confiscation s'est faite
sont divers mais connus. Mais la légitimité de cette main mise
reste à prouver ! En attendant de résoudre cet état de fait,
une compensation à titre de provision doit être versée par ceux
qui se sont accaparés notre planète commune. Comment ? Par le
versement des impôts, (lutte contre l'évasion fiscale et les
paradis fiscaux) et par une redistribution du type Revenu
Universel, qui sera lié seulement à l'existence en tant qu'humain
sur une planète qui nous appartient à tous et au même titre.
Ce revenu égal pour chacun trouvant sa compensation par le
reversement pour les classes moyennes (somme nulle), et un impôt
réellement versé par les plus riches et les impôts des
entreprises. Et ceci devrait être réfléchi au niveau de la
France, de l'Europe et du Monde entier.
Au
fait, les rentiers, les gros actionnaires, les membres des conseils
d'administration du CAC 40, qu'est-ce qu'ils en pensent de la
« valeur travail » … ?
Ah
non, eux font travailler leurs valeurs boursières ou
immobilières, c'est à dire qu'ils bénéficient du travail de ceux
qui ne peuvent y échapper, qui seront payés le moins possible pour
le maximum de bénéfices.
François
Marandet le 30 juillet 2017
1 commentaire:
Toujours aussi chirurgical et passionnant dans ton propos. Merci !
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